Depuis mardi 3 octobre se déroule au Tribunal judiciaire de Paris un procès impliquant 7 personnes, poursuivies pour "association de malfaiteurs en vue de commettre des actes terroristes". Comme il y a 15 ans dans l’affaire dite de de Tarnac, ou encore à l’image du procès des 7 de Bure en 2021, cette affaire est la construction des services de renseignement intérieur, la DCRI. Une personne, revenant du Rojava où elle était partie combattre Daesh aux cotés des forces kurdes, fut pourtant placé sous surveillance rapprochée à son retour en France. Dans son sillage, six autres personnes seront interpellées le 8 décembre 2020, mises en examen, et dans les jours qui suivent la plupart seront placées en détention provisoire pendant plusieurs mois, dont le principal suspect, "Libre Flot", placé à l’isolement carcéral. Il ne sera libéré que plus d’un an plus tard après une longue et éprouvante grève de la faim.
Ce procès à lieu du mardi au vendredi à partir de 13h30 devant la 16eme chambre du TJ de paris, et ce jusqu’au 27 octobre.
Après des mois de surveillance, de micros cachés, de balises GPS et d’écoutes téléphoniques, le le dossier d’instruction — instruit par la SDAT, la sous-direction antiterroriste du parquet de Paris — cherche à les présenter comme un groupe dangereux ayant voulu porter atteinte à des représentants de l’État. Pour avoir failli à matérialiser ces projets, l’instruction va sans cesse reprocher à ces personnes d’avoir utilisé des systèmes de chiffrement de leurs communications ou d’autres outils pour garantir leur anonymat dans leurs échanges internétiques. C’est de cette criminalisation dont il fut question lors de cette réunion publique du 25 septembre, organisée par des ONG comme la Quadrature du Net et les différents groupes de soutiens aux inculpés du 8/12.
Il faut savoir que protéger ses échanges en chiffrant ses données est un droit depuis très peu de temps en France. Au milieu des années 90, utiliser à titre privé le moindre outil de chiffrement des communications, écrites ou orales, relevait d’une autorisation militaire. Notre pays était le dernier pays de l’OCDE à maintenir un tel régime archaïque, alors que la cryptographie dite à "clé publique, popularisée par le fameux logiciel PGP (Pretty Good Privacy), permettait tout simplement de garantir à n’importe qui que le contenu de ses conversations restait réellement privée, au sens inaliénable du terme. Ce n’est qu’avec la déferlante internet et son commerce électronique qu’aux alentours de 1997 le gouvernement français a du plier et légaliser le chiffrement des données pour tout-un-chacun. En 2001, après les attentats du 11 septembre, la loi change un peu partout, et chez nous le chiffrement est resté libre mais en revanche le refus de communiquer ses clés à un juge est devenu un délit, passible de trois ans de prison – et de nos jours cette infraction est même de plus en plus utilisée dès le stade de la garde à vue : ne pas donner son code de déverrouillage entraine des poursuites et la confiscation du smartphone.
Bref, c’est pour illustrer cette atteinte à la protection des correspondances, comme à celle des sources lors d’enquêtes journalistiques, qu’était organisée cette réunion publique du 25 septembre. Dans cette émission, vous entendrez l’un des avocats de la défense du procès 8/12, des représentants de la Quadrature du net, de l’organisation Nothing to hide, ainsi qu’un autre témoin, interpellé dans une autre affaire (une action de sabotage d’une usine Lafarge en décembre 2022), qui illustre également des méthodes d’inquisition de la police judiciaire pour tenter de museler toute contestation politique menée contre l’État et le capitalisme.
PLUS D’INFOS
– Suivi du procès et compte-rendus : sur Paris-luttes.info (https://paris-luttes.info/suivi-du-proces-du-8-12-17417) comme sur le blog des comités de soutiens : https://soutienauxinculpeesdu8decembre.noblogs.org/post/2023/10/03/proces-semaine-1/
– Un article de la Quadrature du Net : Affaire du « 8 décembre » : le droit au chiffrement et à la vie privée en procès (2/10/2023)
NOS ARCHIVES
– En solidarité avec Libre-Flot (25/03/2022)
– Libre Flot libéré (8/12/2022)
– Après le procès des "malfaiteurs", la lutte contre Cigéo ne lâche pas prise (4/06/2021)