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Les principales dispositions de la LOPPSI 2

samedi 12 février 2011, par Les Amis d’Orwell

Ce fourre-tout législatif contient de nombreuses dispositions qui heurtent les principes démocratiques et menacent les libertés individuelles.

Le Collectif Liberté Egalité Justice (CLEJ) - qui regroupe depuis 2007 une vingtaine d’organisations politiques, associatives et syndicales - s’oppose fermement à cette nouvelle régression sécuritaire.

Dans cette perspective, le CLEJ a rédigé un document de synthèse en 24 points décrivant de manière claire et précise les principales dispositions de ce projet de loi (tel qu’adopté par le Sénat le 13 septembre).


Présentation rédigée à partir du projet de « loi d’orientation et de
programmation pour la performance de la sécurité intérieure »
adopté au Sénat le 10 septembre 2010

FICHIERS

1° Fichiers d’antécédents

La loi recodifie et adapte les dispositions éparses qui portent sur
l’alimentation du STIC et du JUDEX, fichiers dits « d’antécédents » de la police
nationale et de la gendarmerie.

Ces fichiers contiennent des « données à caractère personnel » concernant
les personnes, « sans limitation d’âge », suspectées d’avoir participé à la
commission d’un crime, d’un délit ou d’une contravention de 5ème classe.
Autrement dit, la plupart des suspects ont vocation à figurer dans ces
fichiers, même les mineurs.

Le contrôle de ces fichiers est confié à la fois au procureur de la République
et à un magistrat référent nommé au niveau national, sans qu’aucune
hiérarchie entre ces deux autorités ne soit instituée.

Seul le procureur se voit imposer un délai d’un mois pour répondre à une
requête en rectification ou effacement, mais le non-respect de ce délai n’est
pas sanctionné.

Pour mener à bien leurs contrôles, ces magistrats se voient seulement
conférer un « accès direct » aux fichiers.

Rappelons qu’en décembre 2008, le STIC recensait, selon la Commission
Nationale de l’Informatique et des Libertés (CNIL) :

 36 500 000 de procédures
 37 911 000 infractions
 5 552 313 personnes mises en cause
 28 329 276 victimes
 10 millions d’objets.

D’après le bilan 2009 des vérifications du STIC par la CNIL, seules 20% de ses
fiches sont rigoureusement exactes.
Le texte prévoit que les décisions d’acquittement ou de relaxe conduisent à
un effacement des données personnelles, « sauf si le procureur de la
République en prescrit le maintien pour des raisons liées à la finalité du
fichier », sans autre précision. Quant aux décisions de non-lieu pour
insuffisance de charges ou de classement sans suite, elles font seulement
l’objet d’une mention dans le fichier, sauf si le parquet ordonne l’effacement
des données personnelles. Les autres décisions de classement font l’objet
d’une simple mention, sans possibilité d’effacement des données. Ainsi, un
classement sans suite pour absence d’infraction ne pourra pas conduire à
l’effacement des données, à l’inverse d’un classement sans suite pour
infraction insuffisamment caractérisée...

2° Fichiers d’analyse sérielle et de rapprochement judiciaire

La loi abaisse le seuil de peine permettant l’enregistrement dans un fichier
« d’analyse sérielle » en le faisant passer de 7 à 5 ans d’emprisonnement.

Les données contenues dans ces fichiers concernent les suspects, victimes et
personnes susceptibles de fournir des renseignements, sans limitation d’âge.

Quant aux fichiers « de rapprochement », ils vont permettre de croiser les
données à caractère personnel recueillies dans différentes enquêtes en se
fondant sur les modes opératoires, sans aucune limite en termes de gravité
des infractions concernées. Les données à caractère personnel doivent être
effacées « à la clôture de l’enquête » ou en tout état de cause – car,
manifestement, on sait que l’effacement n’aura pas lieu avant – « à
l’expiration d’un délai de trois ans après le dernier acte d’enregistrement ».

Là encore, le moyen de contrôle de ces fichiers par le procureur de la
République et le magistrat référent ne résulte que d’un droit d’accès direct à
ces fichiers de rapprochement.

FILTRAGE INTERNET

La loi prévoit un système de filtrage des sites diffusant des images de
mineurs à caractère manifestement pornographique, qui se verront privés
d’accès à internet par l’autorité administrative, en l’occurrence l’Office central
de lutte contre la criminalité, sans recours au juge. Lorsque le caractère
pornographique des images n’est pas « manifeste », l’autorité administrative
peut saisir l’autorité judiciaire pour qu’elle statue sur cette interdiction.

VIDEOSURVEILLANCE

La loi substitue au terme de « vidéosurveillance » celui de « vidéoprotection ».

L’objectif est d’étendre de manière considérable la surveillance par caméras.
Ainsi, les autorités publiques peuvent placer des dispositifs de
vidéosurveillance sur la voie publique pratiquement partout puisque les
critères sont très larges à l’instar de celui de la « prévention des atteintes à la
sécurité des personnes et des biens dans des lieux particulièrement exposés à
des risques d’agression, de vol ou de trafic de stupéfiants, ainsi qu’à la
prévention, dans des zones particulièrement exposées à ces infractions, à des
fraudes douanières (…) et des délits (…) portant sur des fonds provenant de
ces mêmes infractions ».

« La prévention des risques naturels ou technologiques » est ajoutée à la liste
des motifs, ainsi que « le secours aux personnes et la défense contre
l’incendie ». La loi étend aussi l’argument de la régulation du trafic routier par
la vidéosurveillance à celle de l’ensemble des « flux de transports ».

Dans les immeubles d’habitation disposant d’un système de vidéosurveillance
des parties communes, les gestionnaires (copropriétés ou bailleurs) sont
autorisés à transmettre leurs images aux forces de police « lors de
circonstances faisant redouter la commission imminente d’une atteinte grave
aux biens ou aux personnes ».

Le préfet se voit également accorder la faculté de faire installer un dispositif
ad hoc de vidéosurveillance pour toute manifestation ou tout rassemblement
de grande ampleur.

Aux fins de prévention du terrorisme, le préfet pourra demander au conseil
municipal d’une commune de délibérer sur la mise en œuvre d’un dispositif de
vidéosurveillance. Les élus devront alors délibérer dans un délai de 3 mois
maximum.

Les entreprises, après information du maire ou autorisation du préfet,
pourront également placer des caméras à proximité de leurs établissements
« aux fins d’assurer la protection des abords de leurs bâtiments et
installations, dans les lieux susceptibles d’être exposés à des actes de
terrorisme ou particulièrement exposés à des risques d’agression ou de vol ».

Le visionnage des images pourra être réalisé par les salariés de ces
entreprises. Par ailleurs, les personnes publiques ont la possibilité de déléguer
l’exploitation de « leurs » images à des opérateurs privés.

Les autorités de contrôle des systèmes de vidéosurveillance sont, d’une part,
la CNIL et, d’autre part, les « commissions départementales de la
vidéoprotection », qui peuvent être saisies par « toute personne intéressée »
de « toute difficulté tenant au fonctionnement d’un système de
vidéoprotection ». Quant à la « commission nationale de la vidéoprotection »,
elle exercera une mission de conseil et d’évaluation de l’efficacité des
dispositifs existants en la matière.

CONSEIL NATIONAL DES ACTIVITES PRIVEES DE SECURITE

Entérinant la privatisation croissante de la sécurité, la loi instaure un « conseil
national des activités privées de sécurité » chargé d’une triple mission :

 de conseil et d’assistance aux professionnels ;
 de police administrative en matière d’agréments et d’autorisations ;
 de sanction disciplinaire.

Ce conseil est composé de représentants de l’Etat et de magistrats des
ordres administratif et judiciaire qui sont majoritaires. Des personnes issues
des activités privées de sécurité et des « personnalités qualifiées »
complètent ce collège.

Par ailleurs, une « commission régionale d’agrément et de contrôle » sera
créée dans chaque région avec pour mission de délivrer les autorisations et
cartes professionnelles, de les suspendre en cas de difficultés et de
prononcer d’éventuelles sanctions disciplinaires. Elle dispose d’un droit de
visite des locaux à usage professionnel des employeurs et donneurs d’ordres.

ECHANGES ELECTRONIQUES

Il s’agit de prévoir une infiltration électronique pour identifier les auteurs des
infractions de provocation à commettre des crimes ou délits (article 24 de la
loi de 1881) : les officiers ou agents de police judiciaire habilités pourront
participer à des échanges électroniques en usant d’un pseudonyme et extraire
et conserver les éléments de preuves ainsi obtenus.

« PERQUISITION » INFORMATIQUE

Pour les infractions entrant dans le champ de la criminalité organisée de
l’article 706-73 du Code de procédure pénale, le texte prévoit la possibilité,
sur commission rogatoire d’un juge d’instruction, de mettre en place « un
dispositif technique ayant pour objet, sans le consentement des intéressés,
d’accéder, en tous lieux, à des données informatiques, de les enregistrer, de
les conserver et les transmettre, telles qu’elles s’affichent sur un écran pour
l’utilisateur d’un système de traitement automatisé de données ». Pour
l’installation de ce « mouchard », les enquêteurs pourront s’introduire dans le
domicile ou le véhicule de la personne mise en cause, à son insu et, si
nécessaire, de nuit.

RAISON D’ETAT

Un régime d’impunité judiciaire est prévu pour les agents de renseignement,
leurs sources et leurs collaborateurs lorsqu’ils utilisent une identité ou une
qualité d’emprunt. En revanche, la loi réprime la révélation, même
involontaire, de « toute information qui pourrait conduire directement ou
indirectement à la découverte de l’usage d’une identité d’emprunt ou d’une
fausse qualité, de l’identité réelle » de ces agents ou de leur appartenance à
un service spécialisé de renseignement, ce qui pourrait avoir des
conséquences graves pour la liberté de la presse.

PEINES MINIMALES

Pour les délits de violences volontaires aggravées pour lesquels la peine
encourue est égale à 10 ans d’emprisonnement et ayant entraîné une
incapacité de travail supérieure à 15 jours, la peine d’emprisonnement ne
peut être inférieure à 2 ans, sauf décision spécialement motivée par le juge.
Cette peine minimale s’applique également pour les délits commis avec la
circonstance de violences, dès lors que la peine encourue est égale à 10 ans
et que l’ITT est supérieure à 15 jours.

Ces dispositions sont applicables aux mineurs.

PERIODES DE SURETE

La période de sûreté de 30 ans sera applicable aux personnes condamnées
pour meurtre ou assassinat commis en bande organisée ou avec guet-apens
sur un magistrat, un policier, un gendarme, un membre de l’administration
pénitentiaire ou toute autre personne dépositaire de l’autorité publique, à
l’occasion de l’exercice ou en raison de ses fonctions.

SURVEILLANCE JUDICIAIRE

Le juge d’application des peines peut, à titre de mesure de sûreté pour
prévenir la récidive, placer une personne sous surveillance judiciaire dès sa
libération. Jusqu’à présent, cette mesure n’était possible que pour les
personnes condamnées à une peine d’emprisonnement d’une durée égale ou
supérieure à 10 ans. Désormais, ce régime est applicable aux personnes
condamnées à une peine privative de liberté d’une durée supérieure ou égale
à 5 ans pour un crime ou un délit commis « une nouvelle fois en état de
récidive légale ».

SECURITE ROUTIERE

Le texte prévoit des cas de confiscation automatique du véhicule par le
tribunal correctionnel, sauf « décision spécialement motivée ».

La « vente » de points de permis de conduire est désormais punie d’une peine
de 6 mois d’emprisonnement.

La loi instaure une possibilité de rétention administrative des permis de
conduire par les agents de police judiciaire adjoints (gendarmes adjoints
volontaires, ladjoints de sécurité, agents de police municipale...).

Ces mêmes APJ adjoints peuvent par ailleurs mettre en oeuvre un dépistage
de consommation de stupéfiants.

POLICE MUNICIPALE

Les membres des cadres d’emploi de la police municipale assurant la direction
fonctionnelle et opérationnelle des services de la police municipale se voient
attribuer la qualité d’agents de police judiciaire. Il leur est donc désormais
permis de constater les crimes, délits et contraventions et d’en dresser
procès-verbal.

RESERVE CIVILE DE LA POLICE ET SERVICE VOLONTAIRE CITOYEN

La réserve civile est constituée de retraités de la police nationale et de
volontaires. Les retraités peuvent accomplir des missions de soutien aux
forces de sécurité et des missions de solidarité et les volontaires des
« missions élémentaires d’exécution » ou des « missions de spécialiste
correspondant à leur qualification professionnelle ».

Le service volontaire citoyen concerne des missions « de solidarité, de
médiation sociale et d’éducation à la loi ».

VENTE A LA SAUVETTE

La vente à la sauvette, qui constituait une contravention, devient un délit
passible de 6 mois d’emprisonnement et de 3750 euros d’amende.
L’exploitation de la vente à la sauvette est elle aussi sévèrement réprimée.

OCCUPATION DE TERRAIN

Le préfet peut mettre en demeure de quitter les lieux les occupants d’un
terrain, installés de manière illicite en réunion, lorsque le fait d’y établir des
habitations comporte de « graves risques pour la salubrité, la sécurité ou la
tranquillité publiques ». Si cette mise en demeure n’est pas suivie d’effet, le
préfet peut faire procéder à l’évacuation forcée des lieux et demander au
président du TGI en référé de l’autoriser à faire détruire les constructions
illicites.

VISIOCONFERENCE

La visioconférence en matière judiciaire est renforcée : elle sera désormais
possible pour juger un prévenu en audience correctionnelle lorsque celui-ci est
détenu.

DOUANES ET IMPOTS

Les agents des douanes et de l’administration fiscale voient leurs
prérogatives renforcées, en particulier en matière de « visites domicilaires ».
Les agents des douanes habilités pourront également, aux fins de constater
les infractions à la législation sur les stupéfiants, acquérir des produits
stupéfiants et fournir des moyens juridiques ou matériels à des trafiquants en
vue de démanteler des réseaux.

ETRANGERS

L’autorité administrative peut ordonner, hors de tout contrôle par l’autorité
judiciaire, le placement sous surveillance électronique mobile, pour une durée
maximale de 2 ans, de l’étranger astreint à résidence, « s’il a été condamné à
une peine d’interdiction du territoire pour des actes de terrorisme ou si une
mesure d’expulsion a été prononcée à son encontre pour un comportement
lié à des activités à caractère terroriste ».

Cette personne doit alors porter un dispositif qui permet sa géolocalisation
permanente sur tout le territoire national.

DEPISTAGE OBLIGATOIRE

L’officier de police judiciaire peut faire procéder, y compris sans le
consentement de l’intéressé, à un examen médical et à une prise de sang sur
toute personne ayant commis, à l’encontre d’une personne dépositaire de
l’autorité publique ou chargée d’une mission de service public, des actes
susceptibles d’entraîner sa contamination par une maladie virale grave.
Refuser de se soumettre à ce dépistage constitue un délit passible d’un an de
prison.

VICTIMES VULNERABLES

Le texte propose de réprimer le vol commis à l’encontre de personnes âgées,
enceintes ou malades d’une peine de 7 ans d’emprisonnement (5 ans
actuellement) et de porter les peines à 10 ans lorsque les faits sont commis
avec deux circonstances aggravantes (7 aujourd’hui).

Pour ces mêmes victimes vulnérables, le délai de prescription de l’action
publique ne court qu’à compter du jour « où l’infraction apparaît à la victime
dans des conditions permettant l’exercice de l’action publique » s’agissant
des délits suivants : abus de faiblesse, vol, abus de confiance, escroquerie,
détournement d’un bien saisi, recel.

MINEURS

Le préfet peut prendre des mesures de « couvre-feu » individuelles, entre 23h
et 6h du matin, à l’égard de mineurs de 13 ans, exposés, par leur présence
sur la voie publique, à un risque manifeste pour leur santé, leur sécurité, leur
éducation ou leur moralité. En cas d’urgence et d’impossibilité d’un accueil du
mineur à son domicile, le préfet le place provisoirement à l’aide sociale à
l’enfance, sans limitation de temps et sans recours possible au juge pour les
familles.

La loi instaure également un contrat de responsabilité parentale, proposé en
particulier aux parents d’un mineur de 13 ans déjà condamné pour une
infraction pénale, lorsque cette infraction « révèle une carence de l’autorité
parentale ». Si les parents refusent de signer ce contrat, le président du
conseil général leur adresse un rappel de leurs obligations et prend « toute
mesure d’aide et d’actions sociales de nature à remédier à la situation ».

Par ailleurs, une procédure de jugement accélérée est prévue devant le
tribunal pour enfants. Le procureur de la République peut poursuivre un
mineur en le faisant convoquer rapidement devant le tribunal par un officier
de police judiciaire, si ce mineur a déjà été jugé dans les six mois précédents
pour des infractions similaires et qu’à cette occasion, tous les
renseignements utiles sur sa personnalité ont déjà été recueillis.

SUPPORTERS SPORTIFS

Des dispositions spécifiques sont prévues pour permettre au ministre de
l’Intérieur ou au préfet de restreindre la liberté d’aller et venir des
« supporters » d’équipes sportives en cas de risque de troubles à l’ordre
public. Le fait de contrevenir aux arrêtés administratifs pris en ce sens
constitue une infraction pénale.

TRANSPORTS EN COMMUN

Les personnes qui ne paient pas leur trajet dans les transports collectifs ou
dont le comportement trouble l’ordre public ou compromet la sécurité des
voyageurs ou la régularité des circulations peuvent être contraintes, y
compris par la force, à descendre du bus ou du train ou à quitter la gare.

SAISIES

Dans le cadre d’une enquête, l’officier de police judiciaire, sur autorisation
judiciaire, peut procéder à la saisie d’une somme d’argent sur un compte
bancaire. Le juge se prononce ultérieurement pour maintenir ou lever la saisie.
Jusqu’à présent, seul un juge pouvait effectuer une telle saisie.

Le directeur départemental de la sécurité publique ou le commandant de
gendarmerie peut demander au procureur de la République d’entamer une
procédure en vue de l’aliénation des biens saisis dans des procédures
judiciaires avant même tout jugement au fond, biens inventoriés sur une liste
que ces autorités peuvent se faire communiquer tous les trois mois.

Pour télécharger le PDF sur le site Loppsi 2


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