Dans le cadre de la campagne "Pour un contrôle des armes à létalité réduite en manifestation" d’Amnesty International, sa branche française a invité deux militant-es politiques de Colombie, dont Leidy Cardena, qui été éborgnée pendant le mouvement social de 2021, pour participer à une discussion fin octobre au CICP. Étaient présent-es des membres d’AI France ainsi que Pierre Douillard-Lefevre, chercheur indépendant et victime lui aussi, lorsqu’il était lycéen en 2007, d’un tir de LBD qui l’a mutilé. Il a écrit deux livres sur la question, "L’arme à l’œil" et "Nous sommes en guerre" (notre émission du 8/10/2021).
Amnesty mène depuis quelques temps des actions menant à visibiliser les violences d’État lors de manifestations (cf la campagne initiée en 2022, "Manifestez-vous"), et tente également de pousser les États à mieux "contrôler" (sans toutefois appeler à les "interdire") l’usage et le commerce de ces engins de guerre (gaz lacrymos, grenades explosives, armes à impulsion électriques, fusils à balles en caoutchouc, etc.).
"Armes à létalité réduite" ou "non létales" : euphémismes pour parler d’armes de guerre employées contre des populations civiles qui exercent leurs droits de manifester, d’autant plus qu’elles peuvent tuer (dernièrement en France, suite aux révoltes qui ont suivi le meurtre du jeune Nahel à Nanterre) ou au moins causer des blessures graves et des mutilations.
Durant le mouvement de grève générale de 2021 ("El Paro"), au moins 103 personnes ont perdu l’usage d’un œil, et cela en moins de trois mois. Il faut savoir qu’en Colombie, les balles en caoutchouc ne sont pas des balles de LBD que l’on connait en France. Ces plastic bullets, munitions testées d’abord en Ulster par la police britannique, puis par Israël dans les territoires palestiniens occupés, sont de plus petit calibre (1 ou 2cm, 4cm pour une balle de LBD), qui peuvent causer la mort lorsque ces projectiles pénètrent dans la tête, et causent la perte d’un œil à coup sûr lorsqu’ils pénètrent dans le globe oculaire.
Leidy a perdu son œil lors d’une manifestation à Bogota le 28 avril 2021, après une intervention de la police anti-émeutes (ESMAD). Comme dans la plupart des pays d’Amérique latine, les forces de police sont sous la tutelle du ministère de la Défense.
Dans cette discussion avec son ami Sebastian et Pierre Douillard, Leidy raconte son calvaire, une fois blessée, lorsqu’elle va dénoncer cet acte sur les réseaux sociaux, comme lors de son long parcours judiciaire, qui n’a pas encore abouti, pour faire condamner le tireur. Se sentant menacè-es, Leidy, son compagnon et sa mère sont désormais réfugié-es politique en Norvège.
– Écouter l’émission (lien direct / télécharger)
NB : Interprétariat assuré par deux militantes d’AI France.
PLUS D’INFOS
– Ressources d’Amnesty International : pétition sur les armes, campagne Manifestez-vous, rapport de 2021 sur l’usage de la force en Colombie...
– Ouvrages de Pierre Douillard-Lefevre : "L’arme à L’oeil. Violences d’État et militarisation de la police" (Ed. du Bord de l’eau, 2016) ; "Nous sommes en guerre" (Grevis, 2021)
NOS ARCHIVES
– "Nous sommes en guerre" : discussion sur la militarisation de la police (émission du 8/10/2021).
– Entretien avec Laurent Théron : "La violence judiciaire, il faut la mettre au centre du débat" (émission du 13/01/2023)
– Armes de la police, retour sur le colloque" Stop Armes Mutilantes" (9/09/2022)
--- musique : Guayabo (La Perla, 2021), l’un des morceaux emblématiques du mouvement de 2021, voir le clip qui fait référence aux blessures oculaires causées par la police (source "The soundscape of Colombia’s 2021 national strike") ---
— - images : DR (oct 2023), Amnesty International ---