Le totalitarisme policier et le fichage des populations
L’association « Souriez-Vous-êtes-Filmé-es ! » en 1995 avait dénoncé le risque majeur de perdre une partie du droit à sa vie privée lors des installations des caméras de vidéosurveillance à Levallois-Perret (92). Elle disait que la caméra en elle-même n’était pas une menace réelle en soi pour les libertés privées dans la mesure où elle n’était pas connectée et reliée à un logiciel de stockage des données et qu’aucune personne ne surveillait l’écran au sein du PC de surveillance.
Toutefois, une caméra non mise en service pouvait apparaître comme dissuasive selon les autorités gouvernementales et administratives ; souvent elle est apparue comme telle. En effet, elle modifiait les comportements d’individus qui se trouvaient dans le champ d’une caméra. Elle empêchait la spontanéité des relations sociales ou le caractère naturel des rencontres entre êtres humains et favorisaient plutôt l’isolement et l’individualisme. C’était aussi un argument pour sensibiliser l’opinion publique et l’avertir : que les technologies de surveillance ne remplaceront jamais la présence humaine : une caméra ne peut pas remplacer un îlotier ou un éducateur de rue. Une caméra n’a jamais empêché une agression dans un lieu public. Nos arguments sont toujours d’actualité.
Cependant aujourd’hui, nous avons dépassé cette étape du simple contrôle. Nous sommes à l’ère du numérique, du haut débit et à la miniaturisation. Nous sommes au niveau du corps, tatoué, identifié ou nos données personnelles peuvent se trouver vendues à des sociétés privées pharmaceutiques à notre insu par exemple ; alors le délire du tout contrôle, de la transparence, de la connaissance dépasse la simple fiction d’un Orwell de 1984.
Maintenant tout est possible en matière de surveillance puisque ’juridiquement’, les lois Perben et antiterroriste permettent le filetage comportemental et le stockage de données personnelles dans des fichiers de police, du ministère de l’intérieur....
Nous avions dénoncé dès 1997, le fameux ficher STIC (Système de Traitement des Informations Constatées).
Il revêt un caractère menaçant et entre dans le renforcement des pouvoirs de police (rappelons que le décret a été voté tardivement le 5 juillet 2001). Il est utilisé dans le cadre d’enquêtes de police, et figure dans des dossiers d’instruction. Selon le syndicat général de la police, au 1er janvier 1997, le STIC contenait déjà 2,5 millions de " mis en cause ", suspecté à un moment donné ; 2,7 millions de victimes ; 5 millions de procédures et 6,3 millions d’infractions. Ainsi, la durée de conservation des informations peut varier de 5 à 40 ans, selon la gravité des faits. Les informations contenues dans le STIC perdurent, même dans le cas où une affaire a été classée ou s’est soldée par un non-lieu, mais aussi dans le cas où la personne interrogée s’est vue complètement écartée de toute relation à l’affaire. La mise à jour est prévue certes, sous contrôle du procureur, mais l’encombrement des services de justice ne laisse que peu d’espoir que de telles garanties soient mises en oeuvre. De plus aucune procédure d’effacement n’est prévue avant les délais légaux ; ce qui veut dire que l’ensemble de la population sera considéré comme délinquante.
Ce qui est certain : quant à l’exercice du droit d’accès par les personnes concernées, cela reste théorique, car les démarches seront comme toujours si lourdes qu’elles dissuaderont bien des gens ! Le STIC est donc un gigantesque "fichiers de suspects", qui avec un gouvernement démocratique n’offre certes peut-être pas de grands risques, mais que sera demain ?
Lorsqu’il existe un tel fichier sur toute la population, il est très aisé d’authentifier une personne en fonction de ses caractéristiques personnelles : il suffit de taper "origine ethnique" pour que toutes les nationalités apparaissent. Alors, il n’existe pas un fichier raciste type mais des fichiers de contrôle, de surveillance, de traçage (exemple les bons et les mauvais payeurs) ; ceux qui sont endettés ; ceux d’un certain âge, ceux qui appartiennent à tel réseau etc....Une stratégie politique qui permet de soumettre une grande partie de la population ; dans ce cas, la peur d’être accusé ou d’être coupable, le fameux complexe judéo-chrétien agit et maintient l’ordre et le respect des lois.
Ce qu’il faut analyser c’est le risque majeur de l’intrusion dans la vie privée, c’est de reproduire et de renforcer la sélection sociale en castes « du plus fort ou du plus « beau » ou « du plus riche » mais aussi c’est de reconnaître que des immigrés sont plus délinquants que les autres en fonction des critères sélectionnés. Seule la CNIL peut s’interposer mais son action est rarement reconnue et se trouve limitée par la loi de 95 puisque son pouvoir n’est que consultatif.
Il n’est pas étonnant non plus que le logiciel Eloi soit appliqué aux sans papiers : instrument puissant au service d’une politique de l’immigration jetable.
Comme pour la vidéosurveillance, l’argument retenu a été la lutte contre l’insécurité, mais une fois encore au détriment du respect des libertés de tout être humain vivant sur le territoire français.