En septembre 2021 est entré en vigueur le Code de la justice pénale des mineurs (CJPM), qui met à plat la fameuse ordonnance de 1945 qui régissait jusqu’ici le traitement judiciaire de la jeunesse.
Un collectif d’organisations [1], qui avaient déjà exprimé leurs craintes avant l’entrée en vigueur du CJPM, a lancé un observatoire afin de "recueillir tous les témoignages possibles des professionnels de la justice des enfants, et de l’enfance en général, sur la mise en œuvre de cette nouvelle procédure, les éventuelles difficultés qu’elle pose et les conséquences que cela peut avoir sur la prise en charge de nos enfants". Le 11 février, les membres de l’observatoire ont présenté leurs premiers "retours d’expérience" lors d’une conférence à Paris.
Depuis toujours, le sujet de la délinquance des mineurs est instrumentalisé par la classe politique. Cela alimente le mythe d’une jeunesse de plus en plus violente — des "apaches" aux "blousons noirs", "racaille" aujourd’hui —, qui passe à l’acte plus facilement et de plus en plus tôt, alors que toutes les études sociologiques estiment que le taux des "enfants délinquants" reste stable, autour de 5%, depuis des générations (écoutez notre supplément ci-dessous).
En seulement quatre mois d’application, les craintes des professionnels se sont confirmées. La tendance est de juger plus vite et de punir avant d’éduquer, au moindre écart de conduite. La procédure prévoit par exemple de séparer le jugement en deux phases distinctes, espacées d’au moins six mois : l’audience de "culpabilité" (juger les faits) et l’audience de peine (déterminer la sanction). Mais en pratique, tout est fait pour inciter à ne juger qu’une seule fois, dès la première audience, entraînant davantage de condamnations, sans avoir le temps de préparer sereinement sa défense, voire même plus de détentions provisoires avant jugement. Une procédure accélérée qui ne permet plus d’assurer un suivi éducatif sérieux, pourtant au cœur de l’esprit de la loi...
Il sera aussi question des "Centres éducatifs fermés" (bel oxymore !), l’antichambre de la prison pour mineurs (52 en service, bientôt 70, 600 jeunes concerné-es) qui se développent au détriment des "foyers éducatifs" et sont gérées par des "associations" de droit privé. On parlera enfin des premiers effets pervers du recours au bracelet électronique qui peut désormais être infligée aux mois de 18 ans en tant qu’alternative à l’incarcération.
Dans cette émission, témoignages d’une juge des enfants, de trois éducateurs de la PJJ et d’avocat-es des barreaux de Paris et Bobigny.
– Écouter l’émission (1h10)
– Supplément : Le mythe d’une jeunesse de plus en plus violente (9’30), extraits d’une web-conférence donnée par Laurent Mucchielli (mai 2021)
Plus d’infos
– Création de l’Observatoire du Code de la justice pénale des mineurs (17/12/21)
– Expo "Enfants en justice, XIX XXe", musée de la PJJ (cf photos)
– A lire, Mauvaise graine. Deux siècles d’histoire de la justice des enfants, Véronique Blanchard, Mathias Gardet (Textuel, 2017)
– Notre émission avec Anne Steiner (à propos de la prison pour mômes de la Petite Roquette)
--- musiques : "La Chasse à l’enfant" (Prévert / Marianne Oswald) - "La rébellion - chanson des écoliers III" ( Maurice Jaubert), musique originale du film "Zéro de conduite" de Jean Vigo ---
--- images : photos tirés de l’expo de la PJJ ---