Syndicats nationaux de l’INSEE
CGT, CFDT, SUD, CGT-FO, CGC, CFTC
Paris, le 9 mai 2005
L’INSEE N’A PAS VOCATION À ÊTRE UNE ANNEXE DU MINISTÈRE DE L’INTÉRIEUR !
Lettre ouverte au Directeur général de l’Insee
Nous avons eu la surprise de découvrir, dans le compte-rendu du Comité
de Direction du 19 avril 2005, que le Directeur Général de l’Insee
aurait accepté de participer à la mise en place de l’opération INES
(Identité Nationale Electronique Sécurisée) en modifiant le contenu du
répertoire des personnes, le RNIPP, et en créant un lien direct avec
le Ministère de l’Intérieur.
« Le Directeur général a rencontré M. Canepa, secrétaire général du
ministère de l’Intérieur, le 15 avril. Cette réunion, à la demande de
M. Canepa, a été consacrée au projet « Identité nationale électronique
sécurisée » (INES), qui vise à améliorer et à sécuriser la délivrance
des cartes nationales d’identité et des passeports. Des échanges entre
le ministère de la Justice, l’Agence pour le développement de
l’administration électronique, le ministère de l’Intérieur et
l’Insee ont conduit à envisager une utilisation du répertoire
national d’identification des personnes physiques (RNIPP), que gère
l’Insee, afin de vérifier l’exactitude des identités fournies par
les demandeurs de titres. Pour répondre à cette demande, le RNIPP
devrait comporter la filiation des personnes.
Le Directeur général a donné un accord de principe à cette extension,
qui renforcera le rôle du RNIPP comme répertoire de référence. » Extrait
du compte-rendu n°14 du CD du 19 avril 2005.
Cet « accord de principe » nous pose plusieurs problèmes :
1. La participation de l’Insee à la constitution d’un fichier
national d’identité a un seul précédent : le fichier originel du RNIPP
(Répertoire National d’Identification des Personnes Physiques) créé
par le Service National des Statistiques (prédécesseur de l’Insee)
sous le régime de Vichy entre 1940 et 1944 ;
2. Dès la Libération, la séparation entre les fonctions
statistiques et les fonctions de gestion policière de la population a été
réalisée. Tirant le bilan des dérives de l’État Français pendant la
période pétainiste, la loi sur le Secret statistique a été votée en
1951. Le champ du RNIPP a été limité à l’usage statistique et à
l’attribution du numéro de sécurité sociale ;
3. L’usage du RNIPP comme une des sources pour constituer ou
vérifier un fichier de police serait une rupture. De ce point de vue,
l’introduction d’informations sur les filiations n’a rien d’une
décision technique et mérite une réflexion large et approfondie. La
confiance accordée par les citoyens à l’Insee, en particulier dans le
cadre du recensement de la population et de la collecte d’autres
données individuelles afin d’établir des statistiques, pourrait se
trouver gravement affectée par ces changements. Il est inadmissible de
faire prendre de tels risques à l’Insee, dans de telles conditions ;
4. Le projet « INES » prévoit la création de banques de données
comportant des données biométriques (empreintes digitales et photo, pour
l’instant) et des données d’identité. Elles concerneront
l’ensemble de la population française. La publication de cet
objectif par le ministère de l’Intérieur donne lieu à une grande
inquiétude relayée par les organisations de défense des Droits de
l’Homme.
Des projets identiques sont d’ailleurs actuellement très discutés en
Grande-Bretagne et aux USA. La mobilisation de l’opinion et de
parlementaires y est très forte.
Donner un « accord de principe » à cette extension au nom de l’Insee,
sans étude préalable, n’est pas admissible.
Nous espérons pouvoir vous rencontrer au plus vite, pour que vous nous
informiez des demandes faites à l’Insee, de l’instruction qui a été
faite de ces demandes, et du cadre dans lequel vous avez exprimé un avis
de principe favorable.