Remettre en cause le système capitaliste sans s’inscrire dans la tradition marxiste, voilà ce qui réunit les penseurs de l’ouvrage Radicalité : 20 penseurs vraiment critiques (éd. L’Echappée, 2013). Ce livre a été coordonné par Cédric Biagini, Guillaume Carnino et Patrick Marcolini. Il propose de faire découvrir des auteurs méconnus du XXe siècle avec une biographie de chacun d’eux, un article qui résume leur pensée et une bibliographie pour aller plus loin. Ces penseurs analysent le système capitaliste en prenant en compte quatre dimensions : l’économie (productivité, salariat…), la technique (qui privilégie la quantité à la qualité), la culture (qui se résume bien souvent aujourd’hui à un individu devant son écran) et le politique (développement des experts notamment).
Ces auteurs anticonformistes se distinguent des intellectuels critiques présents dans les médias comme Alain Badiou ou Toni Négri. Ils se démarquent aussi de Michel Foucault, Jacques Derrida ou Gilles Deleuze, héritiers de marxisme.
Ces penseurs, choisis pour leur radicalité (et non leur extrémisme), cherchent à trouver les limites du système économique. Ils ne cachent pas leur sensibilité et leur intérêt pour l’esthétique. Parmi eux, on trouve des écrivains comme George Orwell. Ils ne rejettent pas le passé mais s’appuient plutôt sur les traditions émancipatrices. Ils dénoncent le progrès technique qui détruit l’environnement et porte atteinte aux libertés des individus.
Jean-Luc Porquet, journaliste au Canard enchaîné, a écrit l’article sur Jacques Ellul (1912-1994). Il connaît bien ce penseur, pionnier dans la critique du progrès technique, qu’il a découvert assez récemment. Il a écrit pour le sortir de l’oubli l’ouvrage Jacques Ellul, l’homme qui avait (presque) tout prévu (1re édition en 2003, mise à jour en 2012, éd. Le Cherche midi). Jean-Luc Porquet s’appuie sur l’actualité pour montrer la pensée novatrice de Jacques Ellul. Celui-ci, libertaire protestant, a rédigé de nombreux ouvrages sur la technique pendant les Trente Glorieuses, ce qui explique en partie le peu d’intérêt qu’il a suscité en France.
Jacques Ellul décrit la société technicienne qui s’est mise en place avec l’informatique. L’Etat devient un agent de la technique et un gestionnaire. L’homme, fasciné par le progrès technique, est une proie des publicitaires qui lui vendent des gadgets et façonnent son style de vie. La technique s’auto-accroît et transforme l’homme qui doit s’adapter, être toujours plus efficace pour ne pas être exclu de la société.