Qu’ils en soient "félicités" comme il se doit : n’hésitez pas à nous faire part des mails, fax, lettres et autres actions en direction de ces Big Brother, notre objectif étant aussi de recueillir leurs réactions (écrites ou filmées).
La cérémonie, cette année, a débuté par une projection de plus d’une heure de films et de documentaires d’artistes et de militants explorant avec ironie les technologies de contrôle et de surveillance.
Dans la foulée, nous avons dévoilé publiquement les gagnants des cinq
catégories désignant les pires politiciens, projets, entreprises ou pouvoirs
locaux ayant porté atteinte aux libertés individuelles ou collectives.
Pourtant dûment informés par mail la veille, les primés ont, comme chaque
année, brillé par leur absence. Seul le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy, primé dans la catégorie suprême (Ensemble de son oeuvre) n’a pas été informé à l’avance - il devait forcément déjà être au courant.
Cette année, la biométrie est devenue omniprésente, tant dans les projets du gouvernement, les pratiques d’entreprises que, et surtout, les établissements scolaires - et avec l’aval de la CNIL, sélectionnée à nouveau via son président Alex Türk pour ses nombreux manquements. Les enfants deviennent des cobayes en puissance, avec près d’une dizaine de candidats concernés par le ciblage des jeunes. L’appel du Gixel (consortium primé avec l’Orwell Novlang en 2004), qui veut conditionner les enfants "dès le plus
jeune âge" aux technologies de contrôle, a été entendu... (son sinistre
Livre bleu, qu’il a depuis "expurgé", vient d’ailleurs d’être remis en ligne par nos soins.
Rappelons que le jury 2005 était composé des personnes suivantes :
- Andy Bichlbaum, réalisateur, fondateur du groupe d'activistes The Yes Men
- Delou Bouvier, magistrate, représentante du Syndicat de la magistrature
- Loic Dachary, artisan du logiciel libre, représentant de la Free Software Foundation
- Benoit Delépine, auteur, réalisateur - absent le soir de la cérémonie et représenté par le comédien Christophe Salengro
- Agnes Fanget, réalisatrice, documentariste
- Amanda Le Bihan, représentante de la Coordination IDF contre la vidéosurveillance et le contrôle social
- Marwan Mohammed, militant associatif dans le Val-de-Marne, représentant du groupe de sociologues Claris
- Aline Pailler, journaliste, ex-députée au Parlement Européen
- Denis Robert, journaliste, écrivain
- Francis Segond, écrivain, ingénieur-conseil et enseignant
Vous trouverez ci-après le détail de chacun des primés, ainsi que la mention
du prix Voltaire qui, lui, récompense ceux qui résistent à la société
de surveillance. Rappel : la totalité de leurs dossiers est consultable sur :
http://www.bigbrotherawards.eu.org/annee-bba.php3?id_rubrique=2
1. Orwell Etat & élus :
Jean-Michel Charpin, directeur général de l’Insee, pour sa participation à
l’opération au projet INES de carte d’Identité Nationale Electronique
Sécurisée : en modifiant le contenu du Répertoire National d’Identification
des Personnes Physiques (créé sous Pétain, à Vichy) et en créant un lien
direct avec le Ministère de l’Intérieur, ce monsieur est revenu sur la
séparation des fonctions statistiques et de gestion policière de la
population adoptées à la Libération, nonobstant le fait qu’INES intégrera, en sus, deux
identifiants biométriques mais aussi une puce RFID "sans contact"...
Etaient également nominés : la carte d’identité biométrique INES, le décret
sur l’accès aux dossiers fiscaux des chômeurs, le guide "Tour de France des
collèges" sur le peer-to-peer, Xavier Bertrand (ministre de la santé),
Pascal Clément (garde des sceaux), le passeport biométrique et le sénateur
Robert del Picchia
2. Orwell Entreprises :
Le jury eut beaucoup de mal à départager Lidl et Carrefour, le premier pour
avoir installé 65 caméras de vidéosurveillance dans un entrepôt employant 60
salariés, le second pour avoir laissé espionner nombre de ses salariés, afin de les licencier (150 l’ont été). Lidl l’a finalement emporté : "son attitude quasi esclavagiste envers ses employés" avait déjà été primée aux BBA allemands en 2004, Lidl ayant la fâcheuse manie de surveiller ses employés, notamment syndicalistes. En république tchèque, ils ont ainsi été interdits de pause pipi, à l’exception des femmes ayant leurs règles, mais à la condition qu’elles portent un bandeau les rendant facilement identifiables...
Etaient également nominés : l’assurance Covéa (géolocalisation des
automobilistes), le consortium de gestion du Dossier Médical Personnel, le
contrôle biométrique des salariés chez Effia Services (SNCF), la
direction de Canal Plus et les mutuelles santé FNMF, Axa, Groupama, Swiss Life...
3. Orwell Localités :
Pas moins de trois collèges et lycées étaient cette année en lice, pour
avoir installé, y compris illégalement, des bornes biométriques de contrôle d’accès
à la cantine. Le jury a donc décidé de décerner une mention spéciale
"Bioméflic", sinon "Biomenfant", à Armand Deprez, principal du collège
Joliot-Curie de Carqueiranne dans le Var, pour avoir été le premier à
obtenir l’autorisation d’installer de telles bornes reposant, non pas sur les
empreintes digitales, mais sur l’empreinte de la main des enfants. Son
objectif : la "transparence absolue", afin de savoir en permanence, et
en temps réel, où sont et ce que font les élèves, notamment s’ils mangent ou s’ils ne
mangent pas. Il a ainsi mis en ligne les notes de ses élèves afin que leurs
parents puissent les consulter, et mis en place un service SMS afin de les
informer d’éventuels retards de leurs enfants.
Le pouvoir local le plus liberticide de l’année n’en revient pas moins au
commissaire Michel Pagès, de Carcassonne, et à son complice Jean-Louis Bès, adjoint au maire de Carcassonne délégué à la sécurité, pour avoir initié un
"recensement et contrôle de la population SDF et assimilés" en dehors de
tout cadre légal ni judiciaire. On notera cela dit qu’ils furent talonné de près
par le principal du collège Les Perrières d’Annonay, en Ardèche, qui avait
quant à lui transmis le trombinoscope de ses 600 élèves au commissariat
de la ville, sans en informer ni les élèves, ni les parents, et lui aussi
en-dehors de tout cadre judiciaire.
Etaient également nominés : Alain Risson, maire de Gluiras (Ardèche), Gilles
Catoire, maire de Clichy-la-Garenne (92), le principal du collège-lycée
Maurice Ravel (Paris), celui du lycée de la Vallée de Chevreuse (Essonne) ,
l’université Lille 3 et la ville de Grenoble (associés à la société
Blue Eye Video)
4. Orwell Novlang :
Le discours le plus manipulateur de l’année est revenu, ex-aequo, au député
Jacques-Alain Benisti et à l’INSERM, pour leurs propensions à vouloir
identifier, dès la maternelle (voire même avant) les signes avant-coureur de
la délinquance. Le premier, dans son rapport sur la prévention de la
délinquance, stigmatisait les origines sociales et ethniques des familles,
incitait au placement sous surveillance des enfants (dès la maternelle), et
proposait d’en finir avec le secret professionnel des travailleurs sociaux. Le second propose quant à lui "d’identifier les facteurs de risque familiaux ou environnementaux très précocement, voire dès la grossesse", évoquant des causes génétiques, ou héréditaires, et des recherches sur des modèles animaux, afin d’expliquer les "troubles de conduites des enfants et adolescents".
L’exposition "Le corps identité" sur la biométrie de la Cité des sciences de la Villette, "co-produite" par l’industriel Sagem, a également retenu l’attention du jury, s’inscrivant dans l’esprit Novlang du Gixel comme le collège de Carqueiranne (conditionnement des enfants aux systèmes de contrôle).
Etaient également nominés : les "Persuasive Technologies" d’Accenture,
le ministre de l’Intérieur Nicolas Sarkozy (dossier associé à l’Ensemble de son oeuvre), le texte anti-rap des députés Grosdidier, Mach et Garraud et Xavier Heusghen, vice-président de
Visiowave
5. Prix Orwell pour l’Ensemble de son oeuvre :
Nicolas Sarkozy, à l’unanimité, pour avoir entretenu un climat de peur, et pas seulement au moment des "émeutes", pour avoir considérablement affaibli la justice et les avocats au profit de la police, pour avoir distillé un climat d’autocensure
dans la presse et l’édition, pour avoir violer la loi informatique et libertés avec son
spam pour l’UMP, pour avoir, à l’occasion de sa troisième loi antiterroriste,
fait adopter l’extension de la vidéosurveillance, de la cybersurveillance des
internautes et de l’accès policier aux fichiers administratifs (sans l’aval d’un juge), pour son zèle à demander toujours plus de contrôles, et d’expulsions de sans-papiers, y compris mineurs, et dès la maternelle, et pour n’avoir rien fait pour que l’on n’ait plus peur de la police.
Pour décompresser à propos du petit Nicolas, l’équipe des BBA vous conseille de vous nettoyer les oreilles en écoutant quelques détournements de Polemix et la Voix Off, avec "Sarkodébarras" par exemple...
Etaient également nominés : Alex Türk, président de la CNIL, et le GIE Sesam
Vitale
6. Prix Voltaire de la Vigilance 2005 :
Le Collectif National Unitaire de résistance à la délation, qui se bat depuis 3 ans pour contrer les conséquences de la future loi sur la "prévention de la délinquance" (maintes fois remodelée par Sarkozy puis Villepin, et prévue pour être adoptée cette année), qui pousse notamment les éducateurs et travailleurs sociaux à dénoncer les familles ou individus "à risque", et porte donc atteinte au secret professionnel, tout en stigmatisant, et en incitant au contrôle et au fichage des mineurs en difficultés, des précaires et des populations "défavorisées".
Etaient également nominés : l’Association Le citoyen et son appel "Choisir
Douste-Blazy comme médecin traitant", la fausse-carte biométrique
"Libertys" (Grenoble), la fédération européenne FFII, Jérome Crétaux et
Patrick Gueulle (carte Vitale), l’’Association de défense des assurés
sociaux (ADAS) et les militants du collectif anti-biométrie.
Vous trouverez sur cette page le récapitulatif des prix Orwell et Voltaire 2005.
Sur ce, nous avons le regret de vous donner rendez-vous l’année prochaine.
L’équipe des BBA
Notre site, plus d’infos, d’images, d’explications et de communiqués :
http://bigbrotherawards.eu.org
Calendrier des cérémonies de notre réseau international :
http://www.bigbrotherawards.org
* * * *
Archives : d’ici quelques jours des extraits de l’Orwell Party des BBA
2005 et vendredi 10 février 2006 à 20h30 : l’intégralité de la cérémonie le
sur Téléplaisance http://teleplaisance.org - la seule TV d’accès
public (diffusée sur les bouquet TV Neufbox et Freebox).
Remerciements : tous les anonymes qui ont proposé des candidats, les
bénévoles des organisations affiliées en France (Samizdat.net, TéléPlaisance, Souriez vous êtes filmés, Les Virtualistes), les danseuses de l’Est parisien (service d’ordre), les adeptes de l’Eglise de la très sainte Consommation, ainsi que l’équipe de Conluences.
* * * * *
A propos des Big Brother Awards International
Lancée par Privacy International en octobre 1998 à Londres, cette
cérémonie vise à stigmatiser les menaces à la vie privée en montrant du
doigt les personnes, institutions et sociétés privées les plus actives
dans la promotion ou la conception de technologies de surveillance des
individus. En 2002 les BBA ont été organisés dans une quinzaine de pays
d’Europe, d’Asie et d’Amérique du Nord (dernier en date en 2004 : la
nouvelle Zélande). L’esprit s’inspire du roman "1984" de George Orwell,
et a obtenu le soutien moral de Richard Blair, fils du célèbre évrivain,
de son vrai nom Eric Blair.
+ Site fédérateur (anglais) : http://www.bigbrotherawards.org
+ Site BBA-F (français) : http://www.bigbrotherawards.eu.org
A propos de Privacy International
+ PI est une ONG créée à Londres en 1990 pour éveiller l’opinion sur
l’érosion de la vie privée et pour lutter contre les nouvelles
technologies de surveillance des individus. Depuis, PI a été à l’origine
d’une trentaine de conférences, participant en tant qu’ONG a des
dizaines de réunions internationales, à des milliers d’interventions ou
d’interviews dans les médias, organisant des campagnes de
sensibilisation, témoignant auprès d’instances gouvernementales ou
parlementaires, comme la Chambre des Lords, le Parlement canadien,
l’OCDE, l’UNESCO, le Parlement européen et l’Assemblée du Conseil de
l’Europe. Enregistrée au Royaume-Uni en tant qu’association à but non
lucratif (Non-profit Limited Company n° 4354366).
+ Infos et contacts : http://www.privacyinternational.org