Jusqu’au 6 juin le collectif Solidarité Kanaky appelle à se rassembler devant le Tribunal judiciaire de Paris en soutien aux 7 militant-es politiques poursuivi-es pour leur rôle présumé dans les révoltes qui ont éclaté a partir du 13 mai 2024 en Kanaky Nouvelle Calédonie, suite à la volonté du Parlement français de remettre en cause le gel du corps électoral dans le processus de décolonisation et d’accession a l’indépendance.
Ce gel du corps électoral est a la base des accords qui ont été passés en 1988 (dits de Matignon) puis en 1998 (Nouméa). Le camps indépendantiste a d’abord manifesté pacifiquement entre fin 2023 et avril 2024, et pourtant a Paris le parlement s’est prononcé pour donner raisons aux forces loyalistes sur cette question. En KNC la population actuelle est estimée à 270.000 habitants pour 220.000 électeurs en tout, mais seulement 85 % peut participer aux referendums d’autodétermination. C’est cet équilibre politique que le gouvernement voulait briser en modifiant le corps électoral, une ligne rouge pour le camp indépendantiste.
La situation s’est tendue en 2021, lorsque Paris impose le 3eme referendum alors que le territoire est encore en pleine crise sanitaire, ce qui a conduit à son boycott par les indépendantistes. Un an plus tard, nouvelle provocation : Macron nomme "ministre de la citoyenneté" une élue loyaliste dans le gouvernement Borne : Sonia Bakes, présidente de la région Sud, complètement radicalisée puisqu’elle prône aujourd’hui la partition de l’île plutôt que d’envisager une souveraineté, même partagée, en Kanaky. Après le vote du dégel le 13 mai 2024, s’en sont suivies plusieurs semaines insurrectionnelles, une grosse partie de l’économie locale en souffre encore aujourd’hui – mais en attendant, la justice de l’État colonial a été plus qu’expéditive.
Nous avions donné les chiffres dans notre émission du 15 novembre : 3000 interpellations, 2500 gardes à vue, 490 déferrements au tribunal, des centaines de comparutions immédiates et 236 mandats de dépôts. Et parmi eux et elles, il y a donc 7 militants de la CCAT, la Cellule de coordination des actions de terrain, une organisation issue du FLNKS que le parquet de Nouméa considère comme responsable des actions violentes de l’an dernier. Parmi ces personnes, il y a 5 hommes (Christian, Guillaume, Steeve, Dimitri, Erwan), et 2 femmes, Brenda et Frédérique. Ils et elles sont mises en examen et en détention provisoire — seules les deux militantes ont été libérées sous contrôle judiciaire. Christian Téin, porte parole de la CCAT, a été élu président du FLNKS en août 2024 alors qu’il était déjà incarcéré.
Ils et elles sont convoquées a tour de rôle, une fois par jour, par les juges d’instruction en charge du dossier, du 19 mai au 3 juin. Ces militants ont été placés en détention provisoire l’été dernier juste après leur arrestation, tous et toutes déportées pour être incarcérés dans différentes prisons de métropole. Depuis janvier dernier, suite aux démarches des avocats de la défense, la cour de cassation a exigé que le dossier soit dépaysé à Paris, afin d’éviter une trop grande influence des magistrats sur ce dossier politique ultra sensible. C’est ce qui explique que ces auditions aient lieu au tribunal de la porte de Clichy.
Solidarité Kanaky a publié tout récemment un rapport sur la situation plus générale de prisonniers et prisonnières kanaks de « droit commun » qui sont incarcérés en métropole. Le collectif en a dénombré 87 qui sont dispersées dans une quarantaine de maisons d’arrêts ou de centres de détention de l’hexagone.
– Reportage devant le tribunal Paris, avec interventions de proches des personnes poursuivies, de membres de Solidarité Kanaky, de soutiens à la cause, et du sénateur Robert Xowie, élu en 2023 face à Sonia Bakes.
– En 2ème partie : entretien avec la coordinatrice du rapport "Suivi de la situation des prisonniers Kanak déportés du Camp Est (Nouméa) vers la France" (12/05/25).
– Écouter l’émission (1h02’43 - partie 2 : 40’45)
PLUS D’INFOS
– Rapport de Solidarité Kanaky sur le sort des déportés kanaks : résumé et rapport complet (PDF)
– Rapport de l’OIP sur la prison de Camp-Est (nov 2024)