Puisque le système de surveillance ne cesse de s’étendre ici, c’est pour aller où ? Nous ne sommes plus dans la fanfaronnade d’être les premiers du Morbihan a en être équipé puisse le nombre de sites vidéo-surveillés ne cesse depuis de croître. Quel serait alors le "moteur" des porteurs du projet pour continuer à développer un tel arsenal sécuritaire à Ploërmel ? Le but ne serait-il que de remporter le record du grotesque ?...
Dès l’installation des 31 premières caméras, le maire annonce dans la presse vouloir étendre le système aux écoles « notamment » (O.F du 01 mars 2005). La nouvelle salve de 34 caméras supplémentaires annoncée en Conseil Municipal (CM) du 24 février 2006 concerne 6 nouveaux sites : quatre écoles, un nouveau bâtiment public et une place. Le maire précise que les caméras seront à l’intérieur des écoles et ne filmeront pas les abords extérieurs. Le système prévu sera « optimisé avec du matériel infra rouge fonctionnant jour et nuit avec zoom automatique ». Le premier système mis en place (à détecteur de mouvement) avait un mauvais rendu pour l’identification des personnes filmées. L’installation est justifiée d’après le maire ainsi :
- pour les Carmes : les bâtiments appartiennent à la ville (ou à la Communauté de Commune (CdC), ce qui est pareil puisqu’il la préside) et donc « elle » fait ce qu’elle veut.
- pour la place : c’est tantôt un lieu de rencontre entre dealers et consommateurs, de loubard ou de sauvageons, d’une certaine faune alcoolisée et incivile avec les habitants du quartier, ect.
- pour les écoles : deux ont été dernièrement « dégradées » (?).
Le maire de Ploërmel rappel lors des discutions du CM sur cette curieuse extension de la vidéo-surveillance, que son « premier devoir de maire est de s’assurer que les enfants sont en sécurité absolue, qu’il n’y ait pas de dérive, que les parents sont rassurés... ». Il reprend le discours politique mièvre actuel qui magnifie le terme de « sécurité » en proclamant qu’il s’agit de la première des libertés publiques pour entretenir volontairement la confusion. Ce que les différentes déclarations des droits de l’homme consacrent tout d’abord c’est la sûreté, soit la garantie pour toute personne que le pouvoir de l’État ne s’exercera pas sur elle de manière arbitraire ; le droit à la sûreté devant être la première garantie des libertés individuelles. Il rappelle aussi que « ce qui compte, c’est la valeur morale ». Or la vidéo-surveillance repose sur la peur de la menace de détection et elle vise à la normalisation intériorisée des rapports entre dominants et dominés. La vidéo-surveillance des populations n’est donc qu’un rapport politique d’assujettissement qui est utilisé par les tenants d’un retour à un « ordre » symbolique comme moyen de gestion du champ social.
En installant des caméras dès la maternelle, au nom d’une « sécurité », on cherche à faire accepter les technologies de contrôle et de surveillance par la population du Pays de Ploërmel. Le but est double : préparer les enfants à vivre sous un contrôle « anonyme » et obtenir le consentement des parents. Rappelons que le fantasme d’une surveillance totale des individus (omnisurveillance) instaure un état d’exception contraire aux libertés publiques : la présomption d’innocence, le respect de la vie privée, le droit à la sureté, ect. S’il est nécessaire de surveiller constamment les individus, c’est qu’ils sont toujours susceptibles de commettre quelques délits répréhensibles. Or ce qui est contenu implicitement dans une telle affirmation, c’est l’idée que tout homme est finalement présumé suspect. Il s’agit donc, dans notre société où on ne peut pas faire reposer l’examen de conscience sur la crainte d’un Dieu omniscient, de mettre en place un système d’omnisurveillance comparable à cette crainte grâce aux technologie de surveillance et de contrôle. Cet héritage de l’anthropologie chrétienne qui place l’individu en situation permanente de faute du fait du péché originel, a pour corollaire la nécessité d’un châtiment...
Le coût de cette extension du système de vidéo-surveillance est évalué à 30 000 €. Rappelons que la mise en place des premières caméras était évaluée à 50 000 € mais a englouti finalement 92 000 € avec la mise en place du câblage ADSL. De nouvelles caméras supplémentaires, annoncées lors du CM du 23 juin 2006 seraient envisagées sans précision de leurs nombres pour trois nouveaux sites. Le coût de cette rallonge au système n’est pas évoqué mais il peut être estimé que le budget total capté par la vidéo-surveillance de la ville de Ploërmel s’élèvera sûrement à plus de 150 000 €.
Or il n’y a toujours pas d’établis à Ploërmel une délinquance suffisante pour motiver la présence de ce système. Les chiffres de l’Observatoire de la délinquance précisent que la Bretagne se classe à la 19 éme place (sur 21 régions) en nombre d’atteintes aux personnes et aux biens constatés pour 2005. Comparativement, les chiffres de Ploërmel pour les faits constatés par la gendarmerie sont encore 5 fois moindre que cette moyenne. En aucune sorte il n’y a donc proportionnalité entre les faits et les moyens mis en place. Ce que l’on considère comme "absurde", "délire" ou « du n’importe quoi », n’est qu’une réponse politique effective faite à un sentiment d’insécurité fantasmé par une société ici représentée. Cette impression subjective sert la volonté des potentats d’afficher une détermination apparente. Ce n’est plus la lutte contre une insécurité mais une reconnaissance par les administrés de l’action publique des " politiques " qui est recherchée.
Pour ce qui est de l’utilisation des enregistrements par les personnes autorisées ( maire, adjoint à la sécurité et le personnel de la police municipale titulaire) elle est invérifiable. Placer la vidéo-surveillance hors du cadre approprié du Contrat Local de Sécurité permet d’éloigner les acteurs extra-municipaux qui y participent et, instaurer d’autre part un comité éthique sans pouvoir neutralise finalement toute "intrusion" extérieure dans le fonctionnement du système. L’instauration de la vidéo-surveillance à Ploërmel est donc sciemment autocratique. L’attentisme caractéristique des "ploërmelais", et plus largement de la population du Pays, facilite cette dérive, voir la cautionne rétroactivement.
Après l’espace public, les bâtiments administratifs, les bâtiments utilisés par la population, les écoles, c’est des bâtiments à destination commerciale qui seront sous vidéo-surveillance : les anciens locaux EDF et de France Télécom devant devenir des « pépinières » d’entreprise. La loi réservant l’usage de la vidéo-surveillance au bâtiment public ou ouvert au public, la municipalité parvient en louant à des entreprises des biens communaux à servir les intérêts privés de celle ci en assumant à leur place la protection électronique du site. Cette initiative n’a pour motivation que de "rassurer" l’investisseur ou l’entrepreneur amis, et la vidéo-surveillance de tels lieux serait alors utilisée comme un "plus" à l’attractivité économique de la paisible citée ducale qu’est Ploërmel.
Puisque tout l’immobilier de la ville ou de la CdC doit être équipé de caméras c’est bien le quadrillage de l’espace publique qui est visé indirectement. Ces bâtiments suivant leur place "stratégique" dans la ville deviennent des miradors électroniques. L’omniprésence des caméras de contrôle étant la condition nécessaire à l’omnisurveillance... Cependant l’efficacité du système s’appuie sur le subjectif. Une caméra n’empêche pas un délit, le système mis en place n’est pas infaillible et surtout l’individu n’est pas globalement contrôlable. Il est prévu qu’un bilan sur l’utilisation des caméras sera réalisé par les porteurs du projet et communiqué au collège éthique (exactement la procédure inverse à celle de Lyon). Paradoxalement, maintenant que la vidéo-surveillance est en place, l’absence d’une délinquance établie sert actuellement à la promotion du système. De faux arguments en faux discours on parvient sans peine a de fausses conclusions.
Au final, la vidéosurveillance à Ploërmel ne serait qu’un outil de contrôle moral détourné comme moyen de gestion du champ social et complémentaire à d’autres actions de la municipalité ? Dans ce sens on est en face d’une administration malade qui participe à la destruction de la vie publique par ses choix de gestion "normalisateur" de la population. Ce corps malade est également contagieux puisque la ville de Séné à l’Est de Vannes prépare l’installation d’une vidéo-surveillance pour quatre bâtiments communaux et la préfecture du Morbihan sous la direction d’ Allaire (démissionnaire) comme celle des Côtes-d’Armor sous la direction de Maccioni (déplacé) ont voulu activement participer au développement de la vidéo-surveillance sur les territoires qu’on leurs avait attribué. La contestation de la vidéo-surveillance de l’espace publique à Ploërmel reste donc essentielle.
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