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5 mai — Chien méchant -
Vivian vs Elon : 1-0 pour la Gen Z
5 mai, par Constance Vilanova — Céleste Maurel, Capture d'écranLes bas-fonds des réseaux sociaux, c'est la jungle, un conglomérat de zones de non-droit où règnent appât du gain, désinformation et innovations flinguées. Ce mois-ci, notre reporter plonge dans la guerre ouverte que mène Vivian Jenna Wilson contre son père toxique Elon Musk.
Vivian Jenna Wilson ressemble à n'importe quelle jeune femme américaine de la Gen Z (les mômes nés entre 1997 et 2010 environ). Passionnée du télécrochet « Drag Race »1, amoureuse de l'idole de la pop Chappell Roan et capable d'arriver deux bonnes heures en retard à son entretien pour le média mode Teen Vogue en mars dernier. Sauf que Vivian n'est pas tout à fait « n'importe qui » : elle est suivie par 1,4 million d'abonnés sur TikTok et portait jusqu'à peu un nom de famille qui lui colle encore à la peau… Musk.
Vivian est la fille de l'homme le plus riche du monde, Elon Musk, devenu en quelques années le visage le plus flippant du technofascime américain. Elle raconte un père de quatorze enfants, moqueur et absent. L'étudiante ne veut pas être une « nepo baby », « une fille de » de plus. Elle a choisi la rupture.
Née en 2004 dans un corps de garçon, elle entame sa transition de genre à seize ans, avec le soutien de sa mère, l'actrice Justine Wilson. Deux ans plus tard, elle raye définitivement le nom de « Musk » de son état civil et chope le patronyme de la daronne. Elle refuse tout ce qui provient du patriarche, notamment sa thune.
Quand Musk radote ses fake news, Vivian démonte, ironise, recadre.Depuis, la guerre est ouverte. Elon Musk multiplie les tweets transphobes sur son réseau social, X. Il affirme que le « virus woke » a tué son « fils » et se plaint d'avoir été contraint de signer des papiers pour son traitement hormonal. Il relocalise ses entreprises au Texas après que son État d'origine, la Californie, a promulgué une loi protégeant les droits des élèves transgenres, et déroule tranquillement sa route vers l'extrême droite, bras dessus bras dessous avec Donald Trump.
Alors Vivian riposte. Sur Threads, Bluesky, TikTok – bref, sur tous les réseaux concurrents que son père rêve d'enterrer. Quand Musk radote ses fake news, Vivian démonte, ironise, recadre. Dans son interview pour Teen Vogue, elle explique n'avoir plus aucun contact avec lui depuis 2020 : « Le salut nazi de l'investiture, c'était de la folie furieuse, appelons un chat un chat. Cette merde était bien un salut nazi. » Vivian brise également le storytelling qu'on avait construit autour d'elle. Selon des « experts », c'est sa transition de genre qui aurait impulsé le virage à droite de son père, autrefois démocrate. Un narratif absurde. On ne devient pas néonazi parce que son enfant vit sa vérité.
Quelques heures après la publication de l'interview, Elon Musk repart à l'assaut, partageant une énième théorie transphobe sur X. Selon l'oligarque en plein délire, la majorité des incendies volontaires de Tesla qui émaillent les États-Unis seraient signés de la communauté LGBT. Vivian, à l'aaaaaaide.
Constance Vilanova
1 Concours de drag queens au cours duquel est sélectionnée la « prochaine superstar du drag des États-Unis ».
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À Orgosolo, les murs fédèrent
5 mai, par Étienne JallotNiché dans les montagnes de la Barbagia, région centre de la Sardaigne, le village d'Orgosolo est couvert de peintures murales. Elles rendent hommage aux habitant·es et à la lutte victorieuse qu'iels menèrent contre l'implantation d'un camp militaire de l'Otan en 1969. Et délivrent des messages d'humanité et de soutien aux peuples en lutte du monde entier.
12 avril 2025. Sur le parvis de l'église d'Orgosolo, village de la région de Barbagia, au centre de la Sardaigne, des journalistes filment de loin le cercueil de Graziano Mesina porté par des croquemorts. Ce célèbre bandit sarde, natif du coin et adepte du trafic de drogue international, vient de casser sa pipe à 83 ans. Dans ces montagnes reculées, les types comme lui sont nombreux à avoir fait courir les carabineros et effrayer les grands propriétaires terriens.
Les bandits n'ont jamais été les seuls à s'opposer aux puissantsUn jeu du gendarme et du voleur qui dure au moins depuis que les colons espagnols, autrichiens, savoyards ou encore piémontais ont tour à tour tenté d'imposer leur loi en Barbagia. Mais dans cette région, les bandits n'ont jamais été les seuls à s'opposer aux puissants. En 1969, les habitant·es d'Orgosolo ont mené une lutte contre un projet de camp militaire de l'Otan près de leur village qui a laissé des traces, et pas des moindres. Partout dans la ville, des peintures murales (i murales) témoignent de cette histoire. Elles mettent aussi à l'honneur la culture locale, les soulèvements et les résistances des peuples face à l'exploitation, au fascisme ou aux guerres… Un lieu de mémoire, de recueillement et d'espoir révolutionnaire à l'heure où les États impérialistes chargent leurs canons.
Dehors l'État militaire !Au milieu des klaxons de pick-up de bergers qui traversent le centre-ville d'Orgosolo, des familles de touristes bullent devant les murales qui recouvrent les maisons et les commerces. À l'angle d'une rue, on tombe sur la première murale qui représente une femme, allégorie de la justice. Vêtue d'une ceinture tricolore italienne et d'un chapeau aux couleurs du drapeau américain, elle porte une balance penchant du côté des capitalistes au détriment des paysans. Peinte en juillet 1969 par un groupe d'anars milanais Dioniso, elle est une référence directe à la lutte contre l'implantation d'une base militaire de l'Otan à Pratobello, une dizaine de kilomètres au sud d'Orgosolo. À l'époque, dans l'effervescence soixante-huitarde encore très vibrante, des gauchistes d'ici et d'ailleurs viennent prêter main forte aux bergers et paysans du coin pour faire couler ce projet qui menace de les exproprier. Plusieurs jours durant, 3 000 personnes occupent Pratobello. Face à la mobilisation, l'État envoie les gendarmes avant de jeter l'éponge devant la détermination des occupant·es.
Elles représentent les luttes pour l'émancipation de l'humanité tout entièrePartout, des fresques font échos à cette lutte mémorable. Là, une foule mécontente d'habitant·es est accompagnée d'un message de soutien du romancier et homme politique sarde Emilio Lassu « ce qui arrive à Pratobello contre les bergers et agriculteurs c'est de la provocation colonialiste qui nous ramène aux périodes fascistes ! ». Au-dessus, d'anciennes affiches d'époque reproduites en peinture où on peut lire « Pâturages libres des canons et des patrons ! », « Des engrais, pas des balles ! » Plus loin, des grand-mères sardes tiennent tête aux militaires italiens en criant « Dehors l'État militaire ! ». D'autres murales font gloire à la culture locale : on croise des bergers jouant de la flûte et des femmes en train de coudre. Au-dessus de la mairie est reproduite l'affiche du célèbre film Banditi a Orgosolo (1961) qui a consacré le mythe du bandit sarde dans la culture italienne.
Peintures révolutionnairesLa pratique des murales naît véritablement au milieu des années 1970, quand Francesco Del Casino, le prof de dessin d'Orgosolo, prend l'habitude de peindre des fresques engagées avec l'aide de ses élèves et des habitant·es du coin. La pâte gauchiste est évidente, et les peintures à la gloire de la culture et de la résistance locales se mêlent à celles qui représentent les luttes pour l'émancipation de l'humanité tout entière. En montant sur les hauteurs du village, une immense fresque inspirée du célèbre tableau de Delacroix La liberté guidant le peuple représente, à côté de la Marianne révolutionnaire, un jeune palestinien qui s'élance, pierre à la main. Plus loin, des réfugié·es sur un bateau devant une Amérique fortifiée sont accompagné·es du bandeau : « Nous sommes tous des clandestins. »
On traverse aussi l'histoire à travers des évènements connus et moins connus qui donnent parfois le tournis : l'incendie volontaire d'une entreprise new-yorkaise où 129 ouvrières ont perdu la vie en 1908, la Première Guerre mondiale et les vies italiennes fauchées, les grèves et occupations turinoises de 1920 vaincues par les fascistes, un hommage aux partisan·es tombé·es contre Mussolini, la seconde intifada à Gaza en 2000, la guerre d'Irak en 2003 et même les émeutes des banlieues en 2005 en France. Si les peintures appellent à la paix, elles n'oublient jamais de pointer les responsables : un portrait coloré d'Allende est sobrement légendé « 11 septembre 1973 : coup d'État des militaires fascistes chiliens avec l'aide de la CIA ». Non loin de là, le logo de l'Otan est détourné pour former une croix gammée sur fond bleu – de quoi faire sauter au plafond nos plateaux télé et radios nationales.
Tourists welcome !Aujourd'hui encore, la pratique des murales est encouragée par les locaux et est une étape obligatoire pour les voyageurs de la région. Quitte à devenir trop touristique ? « Ça fait longtemps que ça l'est », raconte le vendeur de la boutique de souvenirs peinte en mémoire de la chute de Franco. « Mon père a ouvert cette boutique en 1978. Entre l'attrait mystérieux pour les bandits sardes et les murales, il a eu le flair, et ça fait tourner l'économie et empêche le village et ceux des alentours de se vider. » C'est que dans la région, peu industrialisée et touchée par l'exode de sa jeunesse, l'économie agricole et pastorale peinent à joindre les deux bouts. « Les peintures sont importantes pour les habitant·es, poursuit-il, pour en faire, il faut déposer une demande à l'asso qui gère pour qu'elle vérifie si vous respectez bien l'identité des murales ». La dernière murale date de 2022 et représente Julian Assange, muselé par le drapeau américain. Mais que dire de la police qui, visiblement gagnée par cet élan artistique, a aussi peint sa devanture, ornée d'un odieux « Nous sommes là pour assurer la paix » ? !
Alors que l'on quitte le village, on s'arrête devant une dernière murale. On y voit un vieil homme en premier plan et, derrière, des soldats blessés revenant du front. Au-dessus est écrit « Heureux un peuple qui n'a pas besoin de héros » – sagesse murale.
Étienne Jallot -
« Il faut que la société consente à cette histoire »
5 mai, par Inès Atek — Le dossier, DjaberAlors que les tensions diplomatiques entre la France et l'Algérie s'intensifient, la question du déni colonial français refait surface, exacerbant les différends historiques. Entretien avec l'historien Benjamin Stora.
L'énième crise diplomatique entre l'Algérie et la France est l'occasion, pour certains de nos responsables politiques, de réinvestir le lexique et la posture coloniale de nos aïeux. Au hasard, octobre 2024 : alors que Jean-Noël Barrot, ministre des Affaires étrangères, se félicite que la France ait reconnu le Sahara occidental comme étant marocain (pomme de discorde avec le voisin algérien), il croit bon de préciser vouloir « accroître [son] action consulaire et culturelle sur ce territoire ». Ou encore, janvier 2025 : les médias français défendent comme un Voltaire Boualem Sansal, dissident du régime algérien et arrêté par ce dernier pour avoir entre autres expliqué au magazine d'extrême droite Frontières qu'il « est facile de coloniser des petits trucs qui n'ont pas d'histoire ». Plus récemment, le 16 avril dernier : pendant que sur CNews, le bandeau d'actualité annonce « Algérie : enfin de la fermeté », sur Europe 1, le ministre de la Justice Gérald Darmanin précise que « le passé est le passé et la France n'a pas à s'en excuser », avant de proposer de baisser les visas accordés aux Algériens et d'augmenter le nombre des OQTF. Sans parler de la posture infecte de surplomb du président Macron lui-même à Mayotte et en Kanaky.
Derrière nous le déni colonial ? Franchement non. On en parle avec Benjamin Stora, historien, spécialiste des questions mémorielles franco-algériennes.
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Après la décolonisation, l'Algérie comme la France ont construit, chacun de son côté, un récit national. Sur quels imaginaires ?
« De nombreux pays en Europe, comme l'Allemagne ou l'Italie, ont cherché au XIXe siècle à se légitimer comme États-nations1. La France et l'Algérie n'échappent pas à cette règle. Le récit national français s'est construit autour d'un certain nombre de principes universalistes hérités de la Révolution de 1789, comme ceux de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen. Mais il s'est aussi construit sur la mise en valeur de son empire colonial, qui a repoussé les frontières de son espace géographique.
« Bruno Retailleau s'arroge tous les droits qu'avait un ministre régalien à l'époque de l'Algérie française »Du côté de l'Algérie, le récit national s'est fabriqué autour de la libération du joug de la France coloniale. Sans regretter l'Empire ottoman auquel elle a jadis appartenu, l'Algérie contemporaine construit son roman national autour de la repossession d'une souveraineté perdue. Nous avons donc, d'un côté, un imaginaire français empreint d'une nostalgie de l'Empire, et de l'autre, un imaginaire algérien dont le point de départ est la guerre de libération nationale qui aboutit à l'Indépendance de 1962. Le récit algérien s'appuie sur une valorisation extrême d'une culture de la guerre au détriment d'une culture politique démocratique. »
Quand Bruno Retailleau dit que « rien ne donne le droit à l'Algérie d'offenser la France », quels concepts mobilise-t-il ?
« La question est surtout “qui parle ?”. Ici, c'est un ministre de l'Intérieur qui s'exprime et non pas un ministre des Affaires étrangères. Or, pendant 130 ans, l'Algérie était considérée comme un département français, géré par le ministre de l'Intérieur – pas par le ministre des Colonies, encore moins par celui des Affaires étrangères. Cela fait donc ressurgir le souvenir d'une gestion de l'Algérie comme un territoire français. Cette résurgence d'une domination ancienne est plus problématique que tout le reste : Bruno Retailleau s'arroge tous les droits qu'avait un ministre régalien à l'époque de l'Algérie française. »
Le journaliste Jean-Michel Aphatie a déclaré fin février :« Nous avons fait des centaines d'Oradour-sur-Glane en Algérie », comparant ce massacre d'un village entier par une division SS, le 10 juin 1944, à ceux d'Algériens commis par la France coloniale, ce qui a suscité un tollé énorme. On peut parler de déni ?
« Dans mon livre La Gangrène et l'oubli, sorti en 1991, j'expliquais que le récit national français a longtemps été basé sur une occultation du passé colonial, et tout particulièrement de la guerre d'Algérie. Il a fallu forcer le blocus de l'amnésie générale en travaillant sur cette guerre et la réhabiliter. Ce n'est qu'au début des années 2000 qu'on a commencé à tirer le fil de cette mémoire pour tenter de la retrouver. Mais le problème c'est qu'on ne peut pas comprendre la fin d'un film si on n'en connaît pas le début. Il fallait remonter aux origines de cette colonisation, à savoir la guerre de conquête au XIXe siècle. Une époque que les historiens documentaient depuis très longtemps mais qui n'était ni enseignée, ni transmise. En parlant ainsi, Jean-Michel Aphatie n'a fait que lever le voile sur ce que cette conquête a toujours été : exceptionnellement sanglante, faite de massacres, d'enfumades, d'expropriations de terrains, de déplacements de population… »
L'année 2030 marquera les deux siècles du début de cette conquête. Selon vous, tenons-nous encore ce passé sous silence ?
« C'est relatif, ce silence. Il y a de nombreuses productions littéraires et filmiques à ce sujet. On peut citer les romans de Mathieu Belezi, par exemple Attaquer la terre et le soleil (2022) et Moi, le glorieux (2024), mais aussi le prix Goncourt décerné au roman L'Art français de la guerre d'Alexis Jenni en 2011. Le problème se situe davantage dans l'acceptation de ces images et de ces écrits, par la population française. Il faut que la société consente à cette histoire. La question de la transmission est donc centrale, notamment à travers l'institution scolaire. Toute histoire nationale doit sans cesse être revisitée. Il faut l'enrichir, la perfectionner, sous peine de créer des histoires définitives, officielles. On n'en est pas encore là en France. Même si bien sûr, un certain nombre de faits ont été établis et que la question coloniale, très peu étudiée il y a 30 ou 40 ans, l'est beaucoup plus aujourd'hui.
« Il y a un décalage énorme entre ces jeunes qui aspirent à plus d'histoire et une classe politique dans le déni éhonté. »C'est logique : la jeunesse issue des immigrations post-coloniales est très consciente de cette histoire et a un fort désir de connaissance à son sujet. Avant, peu de gens travaillaient là-dessus : le sujet était vu comme périphérique, contrairement à des sujets comme le socialisme, la lutte des classes, le mouvement ouvrier, etc. »
Quelles voix vont permettre aujourd'hui de réexaminer cette histoire ?
« La génération des années 1990-2000, issue des immigrations post-coloniales, a poussé en avant la nécessité de la réhabilitation de la mémoire coloniale. Les citoyens ont besoin d'établir leurs généalogies afin de comprendre d'où ils viennent. Il y a un décalage énorme entre ces jeunes qui aspirent à plus d'histoire – et veulent en particulier connaître celle de leurs parents ou grands-parents – et une classe politique dans le déni éhonté. Le rapport sur la colonisation que j'ai fait en 20212 n'a pratiquement pas été discuté par la classe politique française. Sans surprise, la droite et l'extrême droite l'ont condamné. Mais la gauche ne s'en est pas non plus emparée. Un exemple parmi d'autres : la reconnaissance par la France de l'assassinat en pleine guerre d'Algérie de Maurice Audin (mathématicien membre du Parti communiste algérien), Larbi Ben M'hidi (responsable des indépendantistes du FLN) et Ali Boumendjel (avocat et militant pour l'indépendance), qui étaient tous de grands nationalistes algériens, n'a jamais été discutée.
Mais ce fossé ne pourra pas subsister longtemps. De plus en plus de jeunes issus de cette histoire accèdent à des responsabilités politiques, à des fonctions de chercheurs, d'intellectuels. Ils emmènent avec eux leurs bagages d'histoires subjectives. Le moment où nous devrons faire face à ces héritages se rapproche. Bientôt, la classe politique ne pourra plus tourner la tête. »
Propos recueillis par Inès Atek
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Taillons Retailleau
5 mai, par L'équipe de CQFD — ÉditoAh, qu'il est bien dans l'air fétide du temps, Retailleau. Avec sa vilaine tête de préfet vichyste, sa ganache binoclarde constipée de haine crachant son obsession de l'ordre l'ordre l'ordre, le si sinistre de l'Intérieur se baigne dans la crispation identitaire et la vindicte anti-musulman·es comme un porcinet dans son auge. Tout est bon, dans ses actes et ses prises de parole, pour entretenir ce climat suffocant.
Le voile ? Il faudrait étendre son bannissement « aux compétitions sportives ou aux sorties scolaires », suivant ce mantra implacable : « Vive le sport et donc à bas le voile ! » Le lycée musulman Averroès, pourtant blanchi par le tribunal administratif ? Un lieu d'entrisme de l'« islamisme politique qui se déploie à bas bruit, qui tente d'infiltrer la société française par le biais d'associations sportives, culturelles, sociales ». Brrrr. Les Algériens ? Il les traite en colon, se mêlant des affaires étrangères alors qu'il est ministre de l'Intérieur et accuse leur gouvernement d'« humilier la France » en ravivant des plaies purulentes (voir p.3).
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Et après tout, comment s'étonner ? N'est-ce pas ce même Retailleau qui avait évoqué une « régression vers les origines ethniques » après les émeutes ayant suivi le meurtre policier de Nahel à l'été 2023 ? Tiens, d'ailleurs, il vient de se faire brocarder par Mediapart pour avoir décoré de la « médaille de la sécurité intérieure » cinq flics pourtant mis en examen pour un assassinat.
Dernière séquence ? À Nantes, ce 24 avril, une lycéenne est tuée de 44 coups de couteau. Effroyable drame, qui le voit débouler illico en Loire-Atlantique afin de postillonner un discours sur l'ensauvagement de la jeunesse et son prétendu « besoin d'autorité ». Le lendemain, Aboubakar Cissé, 23 ans, est assassiné dans une mosquée de La Grand-Combe par un fanatique anti-Islam. Où est Retailleau ? À un meeting de campagne des Républicains. Le lendemain, aux obsèques du pape François. Au bout de 48 heures, il finit par passer une tête (presque) sur place, mais personne ne l'a vu à la marche blanche en l'honneur du défunt. Faut dire qu'il n'aurait pas été accueilli avec des fleurs : en banalisant la haine des musulman·es, à l'instar de sa famille politique (au sens large), il alimente et normalise le racisme ambiant qui encourage ce genre de passage à l'acte. Nul doute d'ailleurs que l'incendie criminel de la mosquée de Jargeau (Loiret), dans la nuit du 25 au 26 février, ne l'avait pas empêché de dormir. Entre pyromanes, on se comprend…
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Bon, on peut quand même lui accorder une chose : il n'est pas pire (mais pas mieux non plus) que ses congénères. De Wauquiez à Darmanin en passant par la porcherie de CNews ou les étables de France Soir, le fumier est à la mode. Et toutes nos excuses aux porcs, les vrais, qui s'avèrent mille fois plus dignes que ces pelles à merde qui nous gouvernent en bramant leurs passions tristes.