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Larbinisme
14 juin, par Loïc — Mona LobertLoïc est prof d'histoire et de français, contractuel, dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses tribulations au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie ou devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
Discours sur le colonialisme d'Aimé Césaire, le célèbre écrivain anticolonial du XXe siècle. Il y décortique le rapport de domination des colons sur les « indigènes » : « Il n'y a de la place que pour la corvée, l'intimidation, la pression, la police – la classe souvent bien agitée se calme tout à coup – Aucun contact humain, mais des rapports de domination et de soumission qui transforment l'homme colonisateur en pion […] l'homme indigène en instrument de production. » Alors que le silence règne, un élève prend spontanément la parole : « C'est comme aujourd'hui en France monsieur, ça ! Les Français, ils travaillent pas ! C'est nous les instruments de production ! » Quand, je lui notifie doctement que les « Français » travaillent aussi, il me répond : « Ah bon ? Mais ils sont où ? Oui, ils sont avocats ou docteurs, des boulots de riches. Mais sinon ? Je les vois jamais moi ! » Les autres acquiescent et en rajoutent « Sur les routes, des Arabes et des Noirs, les secrétaires, pareil, les caissiers et les caissières, pareil ! ». Si la figure du « prolo blanc » ne leur dit rien, c'est que dans les quartiers Nord de Marseille, où ils habitent en majorité, la ségrégation raciale s'aligne avec la séparation entre classes sociales – Continuité de la société coloniale ?
Dernière phrase du texte : « Je parle de millions d'hommes à qui on a inculqué savamment la peur, le complexe d'infériorité, le tremblement, l'agenouillement, le désespoir, le larbinisme. » L'élève qui lit bute sur le dernier mot : « Ah non, Monsieur, ça je peux pas le lire ! Parce que je l'ai déjà entendu à propos de gens que je connais… » – quand j'explique à la classe ce qu'est un « larbin » un élève s'exclame : « C'est comme les sans-papiers qui travaillent vers chez moi, ils sont payés 800 euros, pas de contrats ! » « On va se vengeeer ! » crie l'un d'entre eux avec un accent africain dans un éclat de rire général. Dégoûté, l'un d'eux reprend la parole : « Monsieur, c'est bon ! la France moi, j'ai donné. Les Français c'est des racistes, ils parlent mal de nous à la télé, ils parlent mal de notre religion, alors que sans nous y'a rieeeen, la France elle tourne pas. » Quand on n'a jamais cessé de les humilier et de les piétiner, je comprends mieux pourquoi certains sont tentés par ce que les éditocrates, les fachos et les conservateurs nomment « séparatisme ». Il finit par « Moi, dès que j'ai 18 ans, je vais au bled, je pourrais vivre ma vie là-bas. »
LoÏc -
Les coulisses acides de l’influence beauté
14 juin, par Thelma Susbielle — Bouquin, CultureBienvenue dans le monde merveilleux des vlogs beauté. Couleurs pastel, vidéos bien montées… et harceleur planqué sous la fenêtre. Avec Sangliers, Lisa Blumen signe un thriller rose bonbon sur fond de solitude numérique et de violence bien réelle.
Vlog, miracle routine, get ready with me, lifestyle, beauty blender… Charabia ? C'est que vous êtes probablement né·e avant les années 1990, avant l'émergence d'internet, de YouTube et de ses « beauty gourous ». Ces créatrices de contenus qui transforment leur quotidien en marchandise, leur image en business, leur passion en vitrine. Avec Sangliers (L'employé du moi, 2025), Lisa Blumen quitte la science-fiction pure (après Avant l'oubli sorti en 2021 et Astra Nova sorti en 2023, prix Utopiales BD) pour s'attaquer à une autre galaxie : celle des vidéastes spécialisées en beauté. Une galaxie bien terrestre, ultra-connectée, et pourtant souvent méconnue. Celle où évolue NinaMakeUp, l'héroïne, une jeune make up artiste qui tente de se faire une place sur la planète sans pitié des algorithmes. Malgré les tons rosés et sucrés de la bande dessinée, la réalité de Nina est loin d'être douce. Les produits s'accumulent dans les tiroirs, les vues stagnent, la solitude s'épaissit. Seule dans son charmant appartement, Nina est pourtant observée. Un stalker rôde en bas de chez elle…
Pour beaucoup de boomers (et pas que), l'influence n'est pas un vrai métier. La mère de Nina ne se prive d'ailleurs pas de le lui faire remarquer à sa manière, tout en acceptant sans trop de scrupules, l'enveloppe que sa fille lui glisse pour finir le mois. Car oui, l'influence, ça paye. C'est même une caricature du capitalisme contemporain : les passionnées deviennent des panneaux publicitaires animés, à qui l'on vend l'idée que leur authenticité est monnayable. Mais Lisa Blumen déjoue les jugements hâtifs et préfère explorer la complexité de ces figures féminines, qu'on moque souvent pour leur futilité supposée. Elle dresse un portrait sensible d'un monde qui expose, exploite, et fragilise celles et ceux qui ne sont pas en haut de l'échelle sociale. Car derrière le blush et les paillettes, il y a les heures de montage, la pression des marques, les messages injurieux, les menaces, la peur. Et toujours, ce regard du marché prédateur qui traque et qui attend le faux pas pour stopper un contrat. Le titre « Sangliers », d'abord énigmatique, prend tout son sens : c'est celui de la traque, de la bête prise au piège. Une allégorie de la jeune femme transformée en proie, dont la mise à mort symbolique (et parfois bien réelle) est le climax attendu du spectacle.
Avec son dessin aux traits fins, ses couleurs pastels et ses gros plans qui reprennent les codes visuels de YouTube, Blumen réussit un tour de force : un thriller visuel et sensoriel, aussi acidulé que subtilement dérangeant. Elle tend un miroir à une époque, une génération, un système. Et rappelle que si Nina semble vivre dans un monde superficiel, elle maîtrise en réalité des compétences pointues : maquilleuse, cadreuse, monteuse, community manageuse. Mais dans un monde patriarcal, une jolie fille qui parle de rouge à lèvres est encore bien souvent prise pour une quiche. Sangliers est une bande dessinée faussement légère, profondément politique.
Thelma Susbielle -
Ouvrir le chant des possibles
14 juin, par Niel Kadereit — Alix Peraucheau, Le dossierM. B.*, un des membres fondateurs de la Fédération internationale des sound-systems libertaires (FISL), raconte comment son collectif lutte contre les mouvements sectaires, les pseudosciences et le complotisme au sein de la culture dub.
« Pour lutter contre les idées complotistes dans une perspective libertaire, il faut réussir à opposer dans le même temps une critique du discours conspi et une autre du discours dominant. Le conspirationnisme est une défiance, une remise en cause du pouvoir et de ses structures, de l'idéologie dominante et de ses manifestations. Dès lors, comment s'opposer au conspirationnisme sans défendre ce pouvoir ? Comment ne pas en reproduire les discours et ne pas œuvrer à le ré-instituer dans les esprits ? Pendant l'épidémie de Covid par exemple, une partie de la scène sound-system considérait que la vaccination avait pour but soit de nous injecter des micropuces électroniques pour surveiller nos faits et gestes, soit de supprimer une grande partie de la population, faire un “great reset”, duquel seuls les riches sortiraient indemnes. C'est une lecture du monde clairement porteuse d'une conscience de classe : il y a d'un côté les riches et de l'autre les pauvres, les deux groupes ont des intérêts antagoniques et s'affrontent dans une lutte mortelle.
« Une lecture du monde clairement porteuse d'une conscience de classe »Pourtant ce type de discours est dangereux pour les classes populaires, qui composent encore une majorité du public de la musique dub, car ce sont elles qui ont été les plus durement frappées par le Covid. Nous devions donc à la fois porter un discours très critique vis-à-vis de l'industrie pharmaceutique et des politiques publiques, qui ne protégeaient pas suffisamment les plus précaires, et simultanément, militer pour la levée des brevets industriels sur les vaccins pour les rendre accessibles gratuitement partout dans le monde et sauver des vies, nos vies. »
La preuve par la pratique« Une bonne partie de notre travail se fait sur les réseaux sociaux. Sous les publications des pages de dub, qui impliquent de réagir en affichant sa boussole politique, les commentaires conspis à tendance soraliennes se multiplient. Nous prenons le temps d'y répondre, de susciter du débat et du dissensus. On renvoie aussi souvent nos interlocuteur·ices vers des vidéos de vulgarisation politique [comme Esprit critique, Hygiène mentale]. Ensuite, lors de nos évènements nous faisons des interventions au micro entre chaque titre pour parler soit du morceau suivant et de ses paroles ou bien d'un sujet d'actualité qui nous tient à cœur. Nous installons aussi systématiquement une table de presse qui permet de s'informer notamment sur l'histoire des luttes. Lorsqu'on ne joue pas, on discute toujours avec les gens pour présenter nos idées et expliquer pourquoi tel artiste a des positions politiques problématiques. La culture sound-system n'est pas uniquement un espace de fête, mais aussi un espace de politisation où les gens se retrouvent pour boire un coup et discuter de leur travail, des difficultés qu'iels rencontrent face à leur hiérarchie.
« Les gens qui vivent nos évènements réalisent que l'autogestion peut fonctionner, que c'est un mode d'organisation efficace.s »Surtout, ces évènements sont des espaces d'autogestion qui, on l'espère, vont semer des graines dans l'imaginaire du public. On ne peut pas proposer un avenir radieux en se plaçant simplement en opposition. Il faut proposer quelque chose qui fasse rêver. Les gens qui vivent nos évènements réalisent que l'autogestion peut fonctionner, que c'est un mode d'organisation efficace. Tout à coup, l'option libertaire devient pour elle et eux une alternative crédible et ça leur donne de l'espoir. La joie est porteuse d'énormément de courage politique, beaucoup plus que la tristesse. C'est l'un de nos atouts : les prédicateur·ices qui annoncent la fin du monde, qui utilisent la peur de leur public, ne sont en réalité pas tellement porteur·euses d'espoir. Leurs discours ne seront jamais aussi convaincants qu'un évènement avec plein d'ateliers différents qui vont permettre d'apprendre des techniques d'artisanat, de mettre en commun des savoirs, d'échanger sur le monde. Le champ culturel se doit de cultiver ces espaces, de moins en moins nombreux, pour convaincre les plus vulnérables et désabusé·es d'entre nous qu'un autre quotidien est possible, et que l'on ne rendra pas les clefs de nos vies gentiment. »
Propos recueillis par Niel Kadereit* Ayant déjà subi des menaces et des intimidations pour ses prises de parole au sein de la communauté sound-system, M.B. préfère s'exprimer au nom de son collectif et rester anonyme.
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« L’exil carcéral a toujours été une vieille ficelle de l’Empire colonial »
14 juin, par Gaëlle Desnos — ÉliasAprès la répression brutale menée par le gouvernement contre les Kanak qui s'étaient opposés au dégel du corps électoral en mai 2024, plusieurs indépendantistes ont été arrêtés, puis transférés en France hexagonale. Rencontre avec Frédérique Muliava, l'une des militantes concernées.
2 530 gardes à vue, 243 incarcérations, 60 détenus déportés en Hexagone et 14 morts. Voilà le bilan de la répression exercée en Kanaky-Nouvelle-Calédonie lors des révoltes de mai 2024. Alors qu'Emmanuel Macron a suspendu la loi sur le dégel du corps électoral1 et organisé une médiation, la répression judiciaire a continué d'aller bon train : en juin 2024, des militants indépendantistes ont été arrêtés et transférés en France hexagonale. Frédérique Muliava, militante du Front de libération nationale kanak et socialiste (FLNKS) et de la Cellule de coordination des actions de terrain (CCAT), est l'une d'entre eux. Entretien.
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Pouvez-vous revenir sur ce qui a provoqué les événements de mai 2024 et sur les niveaux de répression que vous avez subis ?
« Pour bien comprendre ces événements, il faut remonter à la troisième et dernière consultation du 12 décembre 2021 visant à déterminer si le territoire devait accéder à sa pleine souveraineté. Nous étions en pleine période de Covid et le virus touchait particulièrement les nôtres. Or, les coutumes kanak imposent des rites de deuil : ceux-ci ne pouvant pas se faire, cela rendait inappropriée la tenue d'une campagne électorale. Nous avons demandé un report, que le gouvernement central a refusé. Le “non” l'a donc emporté, avec presque 60 % d'abstention. En 2023, alors que l'État parlait d'ouvrir le corps électoral pour les élections provinciales de mai 2024, nous avons décidé de créer la CCAT et d'organiser des manifestations.
« Les non-indépendantistes ont enflammé le pays, avec l'appui de l'État, qui n'avait d'oreilles que pour eux »Puis le projet de loi constitutionnelle sur le dégel du corps électoral, dont le leader non indépendantiste et député Nicolas Metzdorf était le rapporteur, a commencé à se préciser. Nos marches pacifiques, dont l'objectif était d'alerter sur une énième colonisation de peuplement, ont alors gagné en popularité. Le 13 mai, dans un contexte politique tendu et alors que le Parlement s'apprêtait à voter la loi, le Congrès de la Nouvelle-Calédonie a adopté une résolution visant son retrait. Mais l'État n'en a malheureusement pas tenu compte. On reproche aux indépendantistes d'avoir attisé la violence, pourtant, ce sont bien les non-indépendantistes qui ont enflammé le pays, avec l'appui de l'État, qui n'avait d'oreilles que pour eux. Ils n'ont cessé de multiplier les provocations. Lors de nos marches, ils organisaient des contre-marches sur les mêmes parcours. En mars 2024, Sonia Backès, présidente de la province Sud et figure non indépendantiste, exhortait les parlementaires à “ne pas trembler” en votant le projet de loi, avec cette menace sidérante : “le bordel, c'est nous qui le mettrons”. Une façon de rallumer la mèche, alors que cela faisait 40 ans qu'on essayait de vivre en paix. Dès le 13 mai, l'État a déployé un nombre de forces de l'ordre disproportionné2 et un couvre-feu a été mis en place. J'espère qu'un jour on fera toute la lumière sur ce qu'il s'est passé ce soir-là, mais d'après nos informations, la police a provoqué des jeunes kanak avec leur drapeau, sur le bord de la route. De là, les heurts ont commencé. Le 15 mai, l'état d'urgence a été décrété sur l'ensemble du territoire. Le 16, TikTok a été bloqué. Des anti-indépendantistes se sont organisés en milices armées et s'en sont pris à des Kanak. Et puis il y a eu notre incarcération et notre transfert… »
Quelles ont été vos conditions d'arrestation, de détention et de transfert ?
« Les jours qui ont précédé mon arrestation, j'étais en campagne législative pour le candidat Emmanuel Tjibaou, je ne m'attendais pas à cela »« J'ai été arrêtée le 19 juin au saut du lit, à six heures du matin. D'abord il y a eu une perquisition, puis j'ai été placée en garde à vue. Je suis restée entravée toute une nuit. Concrètement, j'ai dormi la main attachée en l'air. Dès le deuxième jour, psychologiquement, ça n'allait plus. Au bout de 72 heures, j'ai été déférée au tribunal, présentée devant un juge d'instruction et un juge des libertés. C'est là que j'ai appris que je n'étais pas la seule : nous étions sept. On nous a annoncé notre mise en examen et notre transfert en détention provisoire… à 17 000 kilomètres de chez nous ! Les jours qui ont précédé mon arrestation, j'étais en campagne législative pour le candidat Emmanuel Tjibaou, je ne m'attendais pas à cela. Et les chefs d'accusation étaient hallucinants : tentative de meurtre, vol en bande organisée avec arme, destruction en bande organisée, association de malfaiteurs… Je n'en revenais pas. Puis nous sommes montés dans un avion militaire pour 30 heures de vol. J'ai été incarcérée à Riom (Puy-de-Dôme), où l'on m'a placé à l'isolement pendant 17 jours. Mes avocats ont demandé le dépaysement de l'affaire pour que des juges d'instruction parisiens prennent le relai, loin de toutes pressions politiques. Cela a permis de débloquer ma situation. Aujourd'hui je suis sortie et je viens à peine d'apprendre, après 11 mois d'assignation sur le territoire hexagonal, que je peux enfin rentrer chez moi. Mais je suis toujours mise en examen pour plusieurs chefs d'inculpation. »
Comment avez-vous vécu ces moments difficiles ? Avez-vous pu compter sur la solidarité ?
« J'ai très mal vécu l'isolement. J'avais le sentiment que personne ne savait où j'étais. Je n'avais pas idée de l'ampleur de la mobilisation dehors. À ma sortie, la justice a décidé de m'affecter chez des personnes qui s'étaient portées volontaires. Des gens formidables ! Au moment de leur libération, les prisonniers kanak sont plongés dans une grande précarité : du jour au lendemain, ils sont dehors, sans travail, sans argent, sans logement, sans Sécurité sociale, sans entourage, dans un pays qu'ils ne connaissent pas. Et le voyage retour est à leur charge3 ! Alors heureusement que la solidarité est là pour les recueillir et collecter des fonds pour qu'ils rentrent chez eux. »
Après votre transfert en Hexagone, d'autres prisonniers ont eux aussi été transférés…
« Jusqu'ici nous avons été méprisés par la droite locale, mais ses postures jusqu'au-boutistes fatiguent tout le monde »« Tout à fait. Cela concernerait une soixantaine de prisonniers4, principalement de droit commun, enfermés au Camp Est, la prison de Nouméa construite sur l'ancien bagne. À ma connaissance, ils ont été transférés pour la plupart sans préavis ni consentement. J'imagine qu'il y avait urgence à désengorger le Camp Est, complètement surpeuplé5, pour pouvoir écrouer les Kanak qui s'étaient révoltés en mai 2024. Mais d'après les services de l'État, ces prisonniers étaient associés à la mutinerie qui a eu lieu à la même période. Il s'agirait donc d'une sorte de punition. L'exil carcéral a de toute façon toujours été une vieille ficelle de l'Empire colonial. L'État français y a très largement eu recours, et dans les deux sens : les Communards, les Algériens et les opposants des quatre coins de l'Empire étaient envoyés chez nous au bagne, tandis que les gens d'ici étaient expédiés vers d'autres cieux. »
Une année après les révoltes de mai 2024, la notion de « destin commun », inscrite dans les accords de Nouméa, vous semble-t-elle toujours viable ?
« C'est le chemin sur lequel on s'est engagés, nous, indépendantistes, depuis au moins les années 1980, lorsque nous parlions des “victimes de l'histoire”. Ces victimes sont les populations non kanak installées dans l'archipel du fait de la colonisation française, souvent sans en avoir eu le choix. Les descendants des bagnards, les travailleurs sous contrat venus d'Asie et soumis au régime de l'indigénat... Jusqu'ici nous avons été méprisés par la droite locale, mais ses postures jusqu'au-boutistes fatiguent tout le monde. L'élection de Tjibaou en est un exemple : les Kanak n'ont pas été les seuls à voter pour lui ! Les gens comprennent de plus en plus que, même si notre combat est celui de la dignité des Kanak et du droit à l'indépendance, nous sommes prêts à faire peuple avec tout le monde. »
Propos recueillis par Gaëlle Desnos
1 Les accords de Nouméa, signé le 5 mai 1998 entre l'État, les indépendantistes du FLNKS et les non-indépendantistes, prévoyaient la tenue de trois référendums d'autodétermination. Pour garantir un minimum de poids politique au peuple autochtone kanak, le corps électoral a été restreint aux natifs de l'archipel et aux résidents présents avant 1998.
2 Dans la période, plus de 2 000 militaires ont opéré sur place, soit un pour 117 habitants selon Le Monde.
3 Lire l'article de Benoît Godin et Rémi Carayol : « Nouvelle-Calédonie : le calvaire des “déportés” anonymes », Mediapart (17/05/2025).
4 Dans son n°125, la revue Dedans Dehors a croisé la liste établie par le collectif Solidarité Kanaky et celle de l'Observatoire international des prisons : au total 63 personnes auraient été concernées entre juin et novembre 2024.
5 En décembre 2024, les taux d'occupation au quartier de la maison d'arrêt s'établissaient à 157,1 % et à 148, 5 % au quartier du centre de détention. Après les révoltes de mai, ces taux étaient respectivement montés à 182,5 % et 159,6 %.
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Mort assistée
11 juin — Soulcié, Chien méchant