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Abolir l’habitant·e
14 janvier — Anne LoèveAirbnb, coliving, baux mobilité ou arrangements douteux, le marché locatif marseillais souffre ces dernières années de nouvelles pratiques. Un arsenal de techniques dont la finalité semble être la mise au rebut de l'habitant·e pérenne.
Ces dernières années, le boom touristique et le télétravail ont fait de Marseille une destination phare pour l'investissement immobilier : résidences secondaires à bas coût, rachat d'immeubles destinés aux locations courte durée (LCD) ou au coliving… Le logement se transforme en bien de consommation, et l'habitant·e en client·e d'un jour, d'un mois, ou d'une saison. Face à l'ampleur du problème, des habitant·es concerné·es ont décidé de s'organiser en créant la Coordination des actions anti-gentrification (CAAG). Celle-ci se réunit depuis près de trois ans afin d'agir pour le droit à la ville et au logement : enquêtes, affichages, manifs, discussions et dénonciations publiques… Autant de moyens pour révéler et lutter contre ces nouvelles pratiques à la croisée des chemins entre illégalité, optimisation fiscale et gentrification.
Locataires à usage uniqueDans la cité phocéenne, la LCD sur des plateformes comme Airbnb a connu une véritable explosion. Suite aux effondrements des immeubles rue d'Aubagne fin 2018, cette partie du centre-ville, plutôt délabrée, a vu se multiplier les arrêtés de péril et les délogements. Puis, les ventes immobilières se sont précipitées pour quelques kopeks. Alors, au lieu d'être réhabilités et réintégrés, nombre de logements sont mis en LCD1. Plus rentable au mois, exempte de permis de louer et bénéficiant jusque récemment d'un abattement fiscal de 71 %, la LCD a participé à faire de Marseille un eldorado pour les investisseurs. En 2016, on dénombrait 4 500 annonces, contre plus de 12 000 en 2023 ! Cette même année dans le 2e arrondissement, près d'un logement sur 10 était en LCD !
Le logement se transforme en bien de consommation, et l'habitant·e en client·e d'un jour, d'un mois, ou d'une saisonEn 2021, la mairie se réveille : elle exige des propriétaires de deux logements ou plus en LCD la mise en location longue durée d'une surface équivalente. Un cadre durci ce début d'année 2025, s'appliquant désormais dès la première LCD hors résidence principale. Les propriétaires sont également dans l'obligation de déclarer le « changement d'usage » du logement destiné à être mis en LCD. Mais la municipalité a beau fanfaronner, elle peine à faire appliquer cette réglementation : peu de collaboration de la part des plateformes, effectifs de contrôle prétendument trop faibles ou peut-être, manque de volonté politique ?
Car la mairie sait s'y prendre pour faire trembler les pas moins de 1 500 proprios resquilleurs qui privent les habitant·es de logements et la commune de plusieurs centaines de milliers d'euros de taxe de séjour. Après de longues enquêtes d'un service spécialement formé, elle leur envoie… une carte postale ! Bons baisers de la municipalité. Loin d'une mise en demeure, la démarche se veut « pédagogique ». Mais, qui sait, elle pourrait peut-être, si la Bonne-Mère et la main invisible du marché le veulent, aboutir à d'éventuelles poursuites ?
Spéculateurs, à jamais les premiersIl y a un an, Vincent Challier, chirurgien bordelais, apparaissait dans une émission de « Complément d'Enquête » consacrée à Airbnb. Propriétaire d'un immeuble dans le centre-ville, il se montre décomplexé face à son flagrant délit de location saisonnière illégale, affirmant se « débrouiller » avec la loi : « C'est Marseille bébé » singe-t-il. Plusieurs familles vivaient au 30 rue Thiers, un bâtiment entouré d'immeubles en péril, que Challier acquiert à l'hiver 2020, pour 730 000 euros. Il les expulse pour y installer son projet de « coliving », sorte de coloc « alternative » où les occupant·es disposent d'espaces privés (chambres, studios) et communs (cuisines, jardins, espaces détente…). Un habitat précaire rebaptisé d'un nom tendance anglo-saxon, qui permet de louer chacune des 14 chambres près de 700 euros par mois.
Le hic ? Challier, déclaré bailleur longue durée, loue à la nuitée, donc en LCD, sans autorisation de changement d'usage. Une enquête2 de la CAAG et quelques chahutages sur le bâtiment ont eu raison de la clandestinité de son aventure entrepreneuriale. Tags, communiqués et affiches ont même fini par le pousser à avouer publiquement l'illégalité de ses pratiques dans une réponse affichée sur sa devanture, sûr de son impunité.
Vincent Challier affirme se « débrouiller » avec la loi : « C'est Marseille bébé ! »Et comment lui donner tort ? La mairie, prompte à répondre à La Provence que le dossier était « en haut de la pile pour un traitement d'urgence », le laisse pourtant sévir depuis plus d'un an. Une impunité qui bénéficie à beaucoup d'autres multipropriétaires ayant flairé la rentabilité d'un centre-ville purgé de ses habitant·es par les arrêtés de périls. Récemment, le 30 rue Thiers présentait un triste tableau : plafonds éventrés, murs de plâtre défoncés, tâches douteuses sur les canapés inoccupés du salon, emballages de capotes dans l'escalier, jardin dépotoir, rangée de frigos à l'odeur champêtre dans la cuisine. Loué à quelques touristes mi-shlags mi-bohèmes, pour sûr moins bourgeois que ne l'aurait rêvé Challier, le bâtiment hébergeait aussi des locataires de plus longue durée, souvent sans contrat de bail : dans le jargon, « on s'arrange ». Du rêve marseillais-bb d'un coliving cosy et convivial au folklorique recel de taudis, il n'y a qu'un pas. Depuis quelques semaines, il s'est rattaché à la chaîne de locations The Good Butler. Sa devanture est désormais repeinte aux couleurs d'un groupe de supporters de l'OM, histoire de se fondre dans le paysage… et pour le protéger de futures dégradations ?
Ah les jolies ColoniesLorsqu'il est rondement mené, le coliving peut pourtant prendre un tout autre aspect. C'est le cas de YOLO, une petite entreprise qui profite bien de la crise. Installée au 32 cours Lieutaud, en bordure du quartier populaire de Noailles, elle loue des petits studios « sérénité » et autres chambres « harmonie ». Ici, tout est en ordre et bien blanchi : bureaux de coworking, chambres parfois équipées de cuisines, laverie, papier peint art déco et caméra de surveillance sur chaque palier… Du propre, et qui rapporte !
Le coliving est une sorte de chimère entre gated community et auberge espagnole, sauce conquistadorSe voulant disruptif, le coliving s'est invité en France en 2018 et depuis, sa croissance est exponentielle. Sans définition légale claire, chaque gestionnaire fait sa tambouille : LCD (moins de trois mois), bail mobilité (un à dix mois sous conditions) ou location/colocation meublée. Non seulement le loyer y est supérieur à la moyenne, mais en plus, le coliving a la législation de son côté : abattements fiscaux variés, contournement du plafonnement des loyers, facturation de services supplémentaires (petits déjeuners, etc)…
Mais surtout, il produit un voisinage éphémère, ce qui rend plus difficile l'organisation entre habitant·es pour exiger de meilleures conditions de logement. Une attaque à la cohésion sociale de quartier, maquillée par des tartines de marketing : « communauté vibrante », « convivialité », « évènements fédérateurs », peut-on lire sur les sites de gestionnaires comme Colonies (sic !) ou The Babel Community. Une sorte de chimère entre gated community et auberge espagnole, sauce conquistador.
Abolitionnistes de l'habitant·eProfitant des touristes, des travailleur·euses ultra-mobiles ou des précaires qui claqueront l'entièreté de leur paye dans un loyer faute d'accès à la stabilité d'un bail traditionnel, colivings et LCD forment une nouvelle interface entre bailleurs et locataires. Ceux-ci supplantent les agences immobilières ou réforment leurs pratiques. Ils forment une nouvelle couche d'opacité, de volatilité, cachant le proprio véreux derrière le gestionnaire ultramoderne, prestataire de convivialité-plastique anonyme derrière la machine.
Ce principe du « locataire jetable » est à l'habitat ce que l'ubérisation et l'intérim sont au travail : on cherche à contourner, non seulement la loi lorsqu'elle est lacunaire ou peu applicable, mais aussi les solidarités mécaniques de locataires rassemblé·es autour d'une même réalité.
Mais ce phénomène reste très vulnérable : en témoignent les dégradations, occupations, cambriolages militants ou attaques de conciergeries, à Marseille comme ailleurs. Car à force d'automatiser, de plateformiser, de multiplier rouages et points de défaillance, il devient de plus en plus aisé et tentant de jeter son sabot dans la machine…
Par P.
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Cyclone d’indifférence
14 janvier, par L'équipe de CQFD14 décembre, Mayotte. Le vent souffle des rafales à 200km/h et fait trembler les murs. Dehors, des trombes de flotte et des vagues de plus de neuf mètres de haut. D'une violence inouïe, le cyclone Chido arrache toits, tôles et arbres, fauche maisons, routes, pylônes et plonge l'île dans l'obscurité. Quand le calme revient, les Mahorais·es découvrent un paysage dévasté, d'où se dégagera bientôt une odeur de cadavre.
En Hexagone, on reçoit des images du bidonville de Kawéni, vu du dessus. Regard surplombant. La plupart des médias adoptent les éléments de langage : « on ne connaît pas encore l'ampleur de la catastrophe ». Mots creux, à 8 039 bornes de la réalité. Cela aurait-il pu être évité ? La réponse est oui. « Compte tenu de l'étendue de l'habitat informel sur l'île [de Mayotte], le bilan victimaire d'un cyclone serait catastrophique », alertait en mars dernier le directeur de l'ARS mahoraise, auditionné pour un rapport parlementaire sur la gestion des risques naturels dans les territoires d'outre-mer.
Aux survivant·es qui, sans eau ni électricité, ne peuvent compter que sur leurs propres solidarités, Emmanuel Macron lancera : « Si c'était pas la France, je peux vous dire, vous seriez dix mille fois plus dans la merde. » Avant lui, François Bayrou aura eu la flemme de se déplacer. Avant lui encore, Bruno Retailleau se fendra d'un tweet pour pointer la source du problème : l'immigration. Sur place, les gens, eux, attendent les secours.
Dans un article de Médiapart, le journaliste Rémi Carayol se demande si l'État a « tout mis en œuvre pour sauver des vies ». Il fait lui aussi le rapprochement avec l'immigration. À propos des dizaines de milliers de mort·es dans la traversée depuis les Comores, il cite la chercheuse Nina Sahraoui : « À Mayotte, la gestion de la migration révèle un nécropouvoir, en ce qu'elle expose à la mort. Et elle détermine les conditions pour la vie, en produisant l'illégalité d'une partie importante de la population de l'île. » Des « illégaux » dont la plupart n'ont justement pas osé rejoindre les abris d'urgence quand l'alerte sonnait, la peur au bide d'être raflés par la police.
Le 23 décembre, journée de deuil national, c'est le jour choisi par la macronie pour annoncer le nouveau gouvernement. Manuel Valls, le « pire des étrons »1, devient ministre des outre-mer. Avec une série de vampires de son espèce, ils forment un bataillon au pouvoir, puant la mort et la matraque. Les peuples ne sont jamais à leurs yeux qu'une masse pouvant crever la gueule ouverte. « Moi, je suis avec eux, comme j'étais avec le peuple de Paris, révolté, écrasé et vaincu », écrivait Louise Michel, en 1878, à propos des Kanaks insurgés. Puisse cette voi(x)e nous inspirer encore.
1 Merci à Jean Noël, l'auditeur de France inter, qui, s'adressant à Valls le 24 décembre, nous a fait le beau cadeau, de rétablir la vérité en direct.
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Où vont dormir les marchands de sommeil ?
14 janvier, par Bruno Le Dantec — ÉliasPrison ferme pour tout le monde ou presque. Voilà ce qu'a requis le procureur au bout d'un mois de procès. Depuis le 7 novembre 2024, le tribunal correctionnel de Marseille a tenté de démêler le pourquoi des effondrements de la rue d'Aubagne (huit morts, ensevelis sous les décombres au matin du 5 novembre 2018) et les peines se veulent dissuasives. Seize prévenus comparaissaient, dont huit copropriétaires cités par les parties civiles pour homicide involontaire et soumission de personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indigne.
Quelque chose d'inhabituel a eu lieu dans cette salle d'audience PHN – pour « procès hors norme ». À plusieurs reprises, juge, avocats de la Ville et procureur ont rendu hommage aux habitants, aux associations, au « peuple marseillais », dont la mobilisation est venue suppléer aux manquements institutionnels qui plongèrent la ville dans un chaos de mises en péril et d'évacuations brutales au lendemain de la catastrophe. Le procureur de Marseille Nicolas Bessone a assuré, en introduction du réquisitoire de son adjoint Michel Sastre, que la justice serait là « pour inverser le rapport entre le fort et le faible ». Sastre a ensuite réclamé des peines de prison ferme pour « toute la chaîne de responsabilités », y compris l'élu Julien Ruas, que « vous condamnerez pour montrer qu'il n'y a pas d'impunité ». Les avocats de la défense, qui fulminent contre la pression de la rue, le taxeront de populiste.
Galerie de prévenusJulien Ruas, à l'époque adjoint au maire chargé de la prévention des risques, ne s'est jamais soucié de doter ses services des moyens d'agir. Seuls quatre agents étaient chargés d'inspecter les immeubles en péril. Ils étaient quarante-sept dédiés à la gestion et prévention des risques (SPGR), dont une quinzaine de chefs et sous-chefs de services. Cette armée mexicaine avait renoncé au traitement des périls ordinaires, qui aurait dû déboucher sur des travaux d'office en cas de défaillance des propriétaires. En 2014, une enveloppe de 6,5 millions d'euros avait été allouée, mais seulement 15 % furent dépensés, « faute de volonté politique ». Seuls les périls imminents étaient traités, il suffisait d'attendre… qu'il soit trop tard. Mal formés, les agents envoyés sur le terrain lors de signalements arrivaient les mains vides, car « le sous-sol des archives était inondé par des eaux usées ». « Des archives mortes », tempère M. Suanez, alors directeur du SPGR. Car « les archives vivantes » (les plus récentes) se baladaient dans des services non connectés, où régnaient découragement et esprit de clan. Le procureur réclame trois ans de prison ferme pour l'élu, assortis de 45 000 euros d'amende et de l'interdiction d'exercer dans le domaine de la protection des personnes.
Des peines de prison ferme pour « toute la chaîne de responsabilités »À l'encontre de l'expert judiciaire Richard Carta, défendu par quatre avocats, sont requis trois ans de prison dont un avec sursis, 45 000 euros d'amende et une interdiction définitive d'exercer. Cet architecte, qui se targue d'être diplômé de la prestigieuse école de Chaillot et spécialiste du bâti patrimonial, a été le dernier expert mandaté par le tribunal administratif pour jauger la dangerosité du 65 rue d'Aubagne. Le 19 octobre 2018, après l'étayage d'une cloison bombée dans l'entrée de l'immeuble, il avait assuré que les locataires, évacués pendant quelques heures, pouvaient réintégrer leur logement en toute sécurité. Carta n'aura passé qu'une heure sur place, sans descendre à la cave, sans pénétrer dans les appartements pour vérifier si les lézardes de la façade étaient traversantes. « Ça n'aurait rien changé à mon diagnostic », se cabre-t-il sur un ton d'orgueil blessé. Son dernier coup d'œil a eu lieu un vendredi à 18 heures, son rapport envoyé dans la soirée et le lendemain à 6 heures, il s'envolait à Copenhague pour des vacances bien méritées, que la catastrophe du 5 novembre n'interrompra pas.
Marseille Habitat, la société mixte chargée par la mairie de la lutte contre le logement indigne avait préempté le 63 rue d'Aubagne, puis l'avait « dévitalisé » pour empêcher le squat : les cloisons et une partie du bâti côté cour furent déconstruites, contribuant à fragiliser cet alignement d'édifices datant du XVIIIe siècle qui s'appuyaient les uns sur les autres. Christian Gil, directeur de la société, n'a que des souvenirs flous. « On communiquait par oral, à la confiance. » Et on attendait que le 65 et le 67 en aient fini avec leurs guéguerres de voisinage pour sécuriser les murs porteurs avant de se lancer dans la réhabilitation. Le procureur réclame 200 000 euros d'amende à l'encontre de Marseille Habitat. Pour M. Gil, trente mois de prison, 30 000 euros d'amende et une interdiction d'exercer une activité dans l'immobilier.
Ils ont toujours voté à l'unanimité contre les travaux structurels qui auraient permis de sécuriser l'immeubleLe cabinet Liautard accumulait 127 copropriétés en gestion, dont une quinzaine était « problématique ». Pas question d'en lâcher une seule, chaque copropriété (ou portefeuille) augmentant la valeur estimée du cabinet, que son propriétaire cherchait à vendre. Et tant pis si on n'a pas les moyens de gérer les problèmes, l'essentiel est de les « tenir ». Jean-François Valentin, gestionnaire expérimenté, est embauché deux ans avant le drame. Il a minimisé les alertes et peu informé les propriétaires. Quand le bureau d'études Betex, mandaté par le 67, parle en octobre 2017 d'un état alarmant du mur séparatif pouvant « mettre en danger les occupants à court terme », le devis des travaux de confortement se perd dans les tuyaux. Le procureur réclame 100 000 euros d'amende au cabinet Liautard et 30 000 euros à M. Valentin, assortis pour ce dernier de trente mois de prison et d'une interdiction de gérer des biens.
« Investisseurs du malheur »Désignés comme le premier maillon dans la chaîne des responsabilités, six propriétaires encourent entre deux et cinq ans de prison, adoucies d'une dose de sursis. Ils ont toujours voté à l'unanimité contre les travaux structurels qui auraient permis de sécuriser l'immeuble. Butonnage et étayage, préconisés par Betex pour un coût de 5 000 euros, auraient pu éviter le pire en attendant une opération plus coûteuse en vue de « pérenniser l'ouvrage, ou sa destruction ». Tous, avec plus ou moins de cynisme, ont fermé les yeux sur les conditions de vie qu'ils imposaient à leurs locataires. Tous encaissaient loyers et APL sans sourciller. Tous ne sont pourtant pas sur le banc des prévenus. Serge Fartoukh, dentiste propriétaire d'un rez-de-chaussée vacant et d'un sous-sol en état de ruine avancée, a été tancé par le président du tribunal : « Vous bénéficiez du statut de témoin. Sachez que vous auriez pu en avoir un autre, celui de prévenu. »
« Sur ce type de logements, on ne recherche pas de plus-value sur la revente, la plus-value, c'est le loyer. Souvent assuré par les APL. Le risque, c'est le locataire qui le prend »Enfin, voilà Xavier Cachard, gargantuesque propriétaire d'un appartement au 2e étage du 65, avocat du syndic et, à l'époque, vice-président du Conseil régional. Si comme l'a souligné le procureur Bessone, « cumul de responsabilités ne signifie pas dilution de culpabilité » et « comme dans le crime de l'Orient-Express, chacun des prévenus a donné un coup mortel », Cachard, lui, occupe une place centrale dans ce dossier. Spécialiste du droit de l'immobilier, associé majoritaire à 97 % d'une SARL investissant dans des biens dégradés, il a présidé plusieurs assemblées générales de la copropriété, où il en imposait. Des courriels trouvés lors des perquisitions prouvent qu'il a voulu influencer les experts pour jouer la montre et éviter un arrêté de mise en péril. Le procureur requiert contre lui cinq ans de prison dont deux avec sursis, 150 000 euros d'amende et l'interdiction d'exercer. La SARL derrière laquelle il se dissimule se voit réclamer 80 000 euros.
Ces rentiers de malheur ne considèrent pas les locataires comme leurs égaux : pour eux, ce ne sont que des étrangers, des prostituées, des drogués« Sur ce type de logements, on ne recherche pas de plus-value sur la revente, a déduit le procureur Sastre, la plus-value, c'est le loyer. Souvent assuré par les APL. Bien mieux que la Bourse, c'est un business plan. Le risque, c'est [le locataire] qui le prend. » Le raisonnement a ses limites. Au-delà d'une cupidité à courte vue apparaît une stratégie occulte qui révèle qu'ici, le mal-logement est devenu systémique. Quand Jean-François Valentin, âme damnée de Liautard, confie que son « devoir moral » était de conserver un maximum de biens en gestion pour gonfler la valeur financière dudit cabinet, il avoue une motivation qui dépasse la simple plus-value locative.
Un immeuble habité vaut bien plus qu'une ruine évacuée. C'est la valeur globale à la revente qui motive Cachard et son « ami intime » et propriétaire du cabinet Bernard Puccinelli. « Ce dossier me tient personnellement à cœur », confie Cachard à un expert. Au passage, il glisse un « si vous pouvez nous éviter une mise en péril… » On ne se risque pas à pareille pression sans un fort sentiment d'impunité. « C'est grave docteur ? Grave signifiant “est-ce que ça va coûter de l'argent au 65 ?” » Voilà ce que lance un Cachard badin à l'expert Gilbert Cardi qui, après avoir officié du côté du 63 de Marseille Habitat, venait d'être débauché par le cabinet Liautard en qualité de conseiller technique.
La SCI familiale continua à encaisser loyer et APL pendant l'arrêté de péril imminent du premier semestre 2017, sans reloger les locataires évacués comme c'était de son devoirL'ombre du vieux maire« Cupidité des uns, négligence des autres, indifférence de tous » a pointé le procureur Bessone. Mais un angle mort demeure. « Logement indigne : le procès d'un système n'aura pas lieu », regrette le communiqué de plusieurs associations, également signé par la mère de Julien Lalonde, l'une des huit victimes. L'ombre de Jean-Claude Gaudin plane sur la salle d'audience, lui qui niait l'insalubrité endémique et prônait une « reconquête » du centre-ville sur la plèbe, dont il considérait la présence illégitime. Porte-voix d'une bourgeoisie locale qui s'est recroquevillée sur ses investissements fonciers, le vieux maire l'avait exprimé crûment : « Le Marseille populaire, ce n'est pas le Marseille maghrébin, ce n'est pas le Marseille comorien. La population étrangère a envahi le centre, les Marseillais sont partis. »1 Ce qui a fait grincer maître Vouland, avocat de la famille Saïd-Hassani, après avoir cité cette saillie raciste : « Ils ont dû être satisfaits, Ouloume n'est plus là pour les déranger. » Dans la même tirade, Gaudin poursuivait : « Moi je lutte contre les marchands de sommeil, je rénove et je fais revenir des habitants qui payent des impôts. » On a vu le résultat. Et si c'était le fantôme du vieux maire que convoque le bâtonnier Campana en défense de l'ex-adjoint Ruas, lorsqu'il se risque à une rhétorique goyesque : « Imaginons un instant que le diable est à l'origine du drame… » ?
La conclusion des délibérés sera rendue publique le 7 juillet 2025.
Par Bruno Le DantecPortrait d'une ville fracturée
Le juge Pascal Gand, qui a récemment fait condamner un ex-policier aux frontières à quatre ans de prison pour avoir loué une centaine de taudis à des sans-papiers, a aussi permis aux proches des victimes de raconter le parcours de vie des habitants du 65 rue d'Aubagne.
Marie-Emmanuelle, artiste sur verre au RSA, décrivait à sa mère son logis se dégradant à vue d'œil – « le quotidien des quartiers pauvres de cette ville » ; Fabien, ex-barman, ex-ouvrier, « écorché de la vie », membre des supporters ultras de MTP et proche du Massilia Sound System ; Simona, étudiante en langues originaire du Mezzogiorno, où elle enseignait l'italien aux migrants ; Pape Magatte, vendeur sur les marchés du Grand Dakar arrivé en Europe après un parcours difficile à travers la Libye ; Julien, franco-péruvien polyglotte et voyageur pour qui « Noailles c'est le monde » ; Chérif, venu avec des moyens de fortune d'Annaba à Marseille dans l'idée de préparer l'arrivée de sa femme et sa fille ; Taher, arrivé de Tunisie par l'Italie, où il a connu la prison pour un délit dont il fut innocenté après huit ans de détention ; Ouloume, maman comorienne passée par Mayotte, travaillant dans un restaurant et vivant là avec ses deux plus jeunes fils, Imane et El-Amine…
Et les survivants : Rachid, fragile et généreux tel que décrit par sa mère, rescapé in extremis pour être sorti acheter des cigarettes ; Habib et Reda, hébergés par lui, l'un parti tôt pour faire une gâche, l'autre chanceux d'avoir découché ; Sophie, étudiante en histoire de l'art qui, en panique, s'est réfugiée la veille chez ses parents ; Abdelghani et sa vidéo des derniers instants de l'immeuble, avec le bruit glaçant de ses voisins tambourinant sur leurs portes qui ne ferment ou n'ouvrent plus ; Alexia et Pierre, sauvés parce qu'une amie qui leur a confié son studio et son chat pour le week-end a eu la bonne idée de rater son train de retour…
Quelques jours avant la chute des 63 et 65, Simona textote à sa voisine du dessus : « Alexia, ce n'est pas un jeu, chaque fois que tu te douches, je suis inondée. » Réponse : « T'inquiète, Sophie m'a proposé de me doucher chez elle. » La même Sophie reçoit un SMS de Marie-Emmanuelle, sa voisine de palier : « S'il te plaît, mets un coup de pied dans ma porte, que je puisse sortir. » Sans papiers, vivant de petits boulots, vendeur de cigarettes à la sauvette, videur dans un cabaret oriental, certains des gars hébergés par Rachid ont fait de courts séjours à l'ombre, souvent pour bagarre en état d'ébriété. Le propriétaire du 25 m² où logeait Rachid n'est autre que l'élu Xavier Cachard, qui lui n'ira probablement jamais en prison. « Il fera appel, ira en cassation et, au pire, se baladera avec un bracelet électronique à la cheville », prophétise Nordine Abouakil, activiste chevronné contre le logement indigne.
Une frontière sociopsychologique sépare ceux qui habitent la ville et ceux qui en tirent des revenus sans y vivre. Ces rentiers de malheur ne considèrent pas les locataires comme leurs égaux : pour eux, ce ne sont que des étrangers, des prostituées, des drogués. L'expert Carta a justifié ne pas s'être enquis de l'état des logements auprès des occupants par ces mots pleins de mépris : « Je n'aurais rien appris d'eux. » Plus vieille propriétaire du 65, Michèle Bonetto, qui réside en pays d'Aix, regrette l'époque où le quartier était peuplé « d'authentiques Marseillais ». Entre-soi, calculs mesquins et connivences. M. Valentin, ancien employé et copain de régate de Frédéric Berthoz (ex-président du syndicat des syndics des Bouches-du-Rhône et propriétaire du 67 rue d'Aubagne) décrit ainsi Bernard Puccinelli, propriétaire du cabinet Liautard : « Il aimait rendre service pour qu'on lui soit redevable. » Xavier Cachard, ami de ce même Puccinelli, déclare avoir, sur son conseil, acheté à bas prix un lot de trois appartements dans le quartier paupérisé de Noailles. « Pourquoi ? Parce que c'est moins cher qu'ailleurs », répond-il froidement à la barre. Ce n'était évidemment pas pour y habiter : lui réside dans une belle villa adossée au massif des Calanques, à deux pas de son « voisin de colline », l'expert Gilbert Cardi.
La commedia dell'arte des Thénardier
Trois ans ferme, dont un avec sursis et 40 000 euros d'amende pour Gilbert Ardilly, proprio du taudis de 25 m² loué au prix d'un 40 m² à Ouloume Saïd-Hassani, morte sous les gravats. Pour le fils Ardilly, un an ferme, un avec sursis et 30 000 euros d'amende. Contre leur SCI, 100 000 euros d'amende et interdiction de louer. Appelé à la barre, le père a déclaré d'emblée : « Je vous préviens, j'ai rien préparé. » Ce cinquantenaire râblé en sweat à capuche enchaîne les « J'en sais rien », « Je me souviens pas », « J'ai pas les factures »… Était-il conscient qu'un garçon de huit ans vivait dans ce T1 mal chauffé ? « Non, je savais pas qu'elle vivait avec un truc, heu…, un enfant. » Quand M. Valentin, du cabinet Liautard, raconte que le chauffe-eau a fui pendant des mois jusqu'à trouer le plancher, Ardilly se dresse sur ses ergots et toise le syndic, si bien que le juge lui ordonne d'arrêter les menaces. À sa suite, son fils Sébastien vient à la barre et un avocat lui fait remarquer qu'il s'y tient comme au comptoir d'un bar. De retour sur le banc, le prévenu met au défi l'avocat de l'attendre à la sortie. Le père Ardilly est à la tête d'une entreprise de plomberie. Ses manières frustes contrastent avec celles, plus policées, des autres propriétaires. Les Ardilly vivent eux dans une zone pavillonnaire, à proximité d'un de ces noyaux villageois absorbés par la ville à sa périphérie, là où on vote RN comme on ferait le signe de croix face aux « Indiens » des cités alentour.
Quant à la mère, elle ne « s'occupait de rien », bien qu'elle soit gérante de la SCI. Le fils aîné d'Ouloume affirme pourtant qu'elle était présente lors de la signature du bail. « Menteur ! », lui crie-t-elle avant d'ajouter que si ce jour-là son mari était avec une blonde, « ça devait être son amante ». À cet instant, le procureur se lève et révèle le dialogue qu'il vient de surprendre au pied de son estrade. Le fils Ardilly : « C'est vrai que Maman était là ? » Le père : « Hé ouais, je l'avais amenée. » Lorsqu'on lui demande de définir ce qu'est un marchand de sommeil, la mère s'emporte : « On n'est pas des marchands de sommeil ! » Posément, l'avocat lui explique : « C'est quelqu'un qui loue un logement indécent à des personnes vulnérables. » La dame gesticule en direction des enfants d'Ouloume : « C'est pas des gens vulnérables ! » L'avocat des Ardilly osera abonder en ce sens, puisque « Mme Saïd-Hassani touchait les allocs »… Pour rappel, Ardilly continua à encaisser loyers et APL pendant l'arrêté de péril imminent du premier semestre 2017, sans reloger ses locataires évacués comme c'était de son devoir. Si le tribunal suit le réquisitoire du procureur, Mme Ardilly devrait être relaxée « au bénéfice du doute ».
1 Lire La Ville-sans-nom, Marseille dans la bouche de ceux qui l'assassinent, Éditions du Chien rouge, 2024 (réédition).
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Pourquoi les Américains adorent-ils l’assassin de United Healthcare ?
14 janvierPour le média américain de gauche CounterPunch, le journaliste Christopher Ketcham se penche sur l'affaire Luigi Mangione dans un article qui analyse l'ampleur de ce phénomène aux États-Unis.
« Sur X, Luigi Mangione a été rebaptisé “l'Expert en sinistres”, ou simplement “l'Expert”. Il est représenté en héros de comics façon Punisher : encapuchonné et masqué, vêtu de noir et armé d'un silencieux. L'histoire qui l'entoure est celle d'une quête de justice contre l'élite, de rédemption et de régénération par la violence. Ici, le “méchant” dirige depuis 2021 une compagnie d'assurance santé prédatrice, dont la société mère, UnitedHealth Group (détenant 284 milliards de dollars d'actifs) est connue pour son usage abusif du refus de soins.
Les faits sont désormais bien connus. À l'aube du 4 décembre, sur la 54e rue, dans le quartier de Midtown à Manhattan, l'Expert s'approche du PDG de UnitedHealth, Brian Thompson. Juste devant l'entrée de l'hôtel Hilton – où le dirigeant devait présenter un rapport financier à la conférence annuelle des investisseurs –, il l'abat d'une balle dans le dos avec un pistolet silencieux. Thompson se retourne face à son agresseur avant de s'écrouler sur le trottoir. L'assaillant actionne alors manuellement la culasse de son arme et donne le coup de grâce en tirant deux fois supplémentaires en pleine tête.
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Comme l'explique Jia Tolentino dans le New Yorker, UnitedHealth – qui affiche le plus fort taux de refus de réclamation parmi toutes les compagnies d'assurance privées – illustre parfaitement les failles de notre système de santé. Selon un recours collectif déposé en 2023, l'algorithme NaviHealth utilisé par la société présenterait un “taux d'erreur connu” de 90 %. Dans le Tennessee, un homme qui s'était brisé le dos et avait été hospitalisé six jours puis transféré onze jours en maison de soins a vu sa prise en charge soudainement suspendue par la compagnie. Après plusieurs appels infructueux à la compagnie, il a dû quitter l'établissement et est décédé quatre jours plus tard.
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Ce type d'histoires expliquent pourquoi le tueur est perçu comme un héros sur les réseaux sociaux. Imprégnés d'une rhétorique révolutionnaire, des milliers de posts louent le crime – ou, du moins, refusent ostensiblement de le condamner –, comme si l'acte était le premier mouvement de la guerre des classes.
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Sur Facebook et sur LinkedIn, l'éloge funèbre publié par UnitedHealth a généré une telle salve d'émojis “rire” et “applaudissement” – 77 000 au dernier comptage –, que le Groupe a désactivé les commentaires sous son post.
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Sur X, un post intitulé “Ma réponse officielle au meurtre du PDG de UHC” montrait deux graphiques comparant la distribution de la richesse en France à la fin du XVIIIe siècle à celle de l'Amérique contemporaine. Les deux étaient à peu près identiques. Sous ce post, une image du Lorax1 debout à côté d'une guillotine, chantant : “À moins que quelqu'un ne sorte la guillotine / Rien ne s'améliorera”. Suivi des paroles de l'hymne de la Révolution française, la Marseillaise, qui dit : “Entendez-vous dans les campagnes / Mugir ces féroces soldats / Ils viennent jusque dans vos bras / Égorger vos fils et vos compagnes”. »
Par Christopher KetchamL'article original a été publié sur www.counterpunch.org
1 Film d'animation franco-américain dans lequel le Lorax, une créature aussi mignonne que renfrognée, lutte pour la protection de la nature dans un monde totalement artificiel où toute végétation a disparu.
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Au sommaire du n°237 (en kiosque)
14 janvier — une1_sommaire, SommaireDans ce numéro, vous trouverez un dossier "Marseille : effondrements & mal-logement", une discussion avec des militants politiques chinois et taïwanais, un entretien décryptant la mécanique de la haine du fonctionnaire, des recensions, des articles formidables et... Youpi le Pen est mort !... tout un tas de considérations passionnantes sur notre temps et les raisons de tout brûler.
Quelques articles seront mis en ligne au cours du mois. Les autres seront archivés sur notre site progressivement, après la parution du prochain numéro. Ce qui vous laisse tout le temps d'aller saluer votre marchand de journaux ou de vous abonner...
En couverture : Y'a du soleil et des gravats. Marseille, effondrements et mal logement, par Marina Margarina
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Actualités d'ici & d'ailleurs
– [La haine des fonctionnaires] – Dans La Haine des fonctionnaires, les chercheur·euses Julie Gervais, Claire Lemercier et Willy Pelletier remontent à la source d'un sentiment bien tenace. Pourquoi les employé·es du service public sont tant détesté·es en France ? Entretien.
– [Éffondrements de la rue d'Aubagne. Où vont dormir les marchands de sommeil ?] – Prison ferme pour tout le monde ou presque. Voilà ce qu'a requis le procureur au bout d'un mois de procès. Depuis le 7 novembre 2024, le tribunal correctionnel de Marseille a tenté de démêler le pourquoi des effondrements de la rue d'Aubagne (huit morts, ensevelis sous les décombres au matin du 5 novembre 2018) et les peines se veulent dissuasives. Seize prévenus comparaissaient, dont huit copropriétaires cités par les parties civiles pour homicide involontaire et soumission de personnes vulnérables à des conditions d'hébergement indigne.– Solidarités de quartier VS Abolir l'habitant·e – Airbnb, coliving, baux mobilité ou arrangements douteux, le marché locatif marseillais souffre ces dernières années de nouvelles pratiques. Un arsenal de techniques dont la finalité semble être la mise au rebut de l'habitant·e pérenne.
– Trucs et astuces : Pour être bien chez soi –« Si tu veux être heureux, / Nom de dieu ! / Pends ton propriétaire », disait la chanson du Père Duchesne. En moins sanguinaire (on n'est pas des sauvages), on vous propose un petit tour d'horizon de quelques solutions qui s'offre à vous pour accéder à un habitat digne et, pourquoi pas, faire tirer la langue aux proprios. On n'est pas des paillassons !
– Indépendance et liberté de la presse en Chine et à Taïwan : « D'un réseau d'auto-diffusion à un réseau d'auto-organisation » Lors de la 5e édition des rencontres internationalistes « Les Peuples Veulent », CQFD a rencontré des membres du collectif TofuStand, basé en Europe mais issu d'un réseau anarchiste chinois, et New Bloom, média indépendant de la gauche radicale taïwanaise. Discussion croisée.
– En Allemagne : « les flics à la maison » – À Karlsruhe, petite ville du Bade-Wurtemberg (Allemagne) un collectif autogéré, le United Refugees Rights Movement (URRM), lutte pour les droits des personnes exilées. Et il y a de quoi faire quand les parents réfugié·es se retrouvent sous le joug de l'infâme Jugendamt…
– Orwell : qui nourrissait les animaux de la ferme ? - À table, George ! – Dans un livre à mi-chemin entre l'essai féministe et le roman biographique, l'écrivaine australienne Anna Funder s'intéresse à la vie d'Eileen Blair, mariée à George Orwell, le célèbre auteur de 1984 (Secker & Warburg, 1949). Pour le meilleur et pour le pire, comme on dit.
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Côté chroniques
– Lu dans CounterPunch : Pourquoi les Américains adorent-ils l'assassin de United Healthcare ? – Pour le média américain de gauche CounterPunch, le journaliste Christopher Ketcham se penche sur l'affaire Luigi Mangione dans un article qui analyse l'ampleur de ce phénomène aux États-Unis.
– Sur la Sellette : L'esprit de Noël – En comparution immédiate, on traite à la chaîne la petite délinquance urbaine, on entend souvent les mots « vol » et « stupéfiants », on ne parle pas toujours français et on finit la plupart du temps en prison. Une justice expéditive dont cette chronique livre un instantané.
– Échec scolaire : Réunion de crise – Loïc est prof d'histoire et de français contractuel dans un lycée pro des quartiers Nord de Marseille. Chaque mois, il raconte ses galères au sein d'une institution toute pétée. Entre sa classe et la salle des profs, face à sa hiérarchie où devant ses élèves, il se demande : où est-ce qu'on s'est planté ?
– Capture d'écran : ChatGPT un plomb ? – Les bas-fonds des réseaux sociaux, c'est la jungle, un conglomérat de zones de non-droits où règnent appât du gain, désinformation et innovations pétées. On y a envoyé en reportage exclusif la téméraire Constance Vilanova, pour une chronique mensuelle. Cette fois, elle se confie sur sa relation toxique avec son nouveau psy, ChatGPT.
– Aïe Tech #23 : Mate la gueule des prophètes – Mois après mois, Aïe Tech défonce la technologie et ses vains mirages. Vingt-troisième opus consacré aux vendeurs d'apocalypse venus de la Silicon Valley et à leurs aspirations démiurgiques de mômes mal dégrossis.
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Côté culture
– Famille go home ! – Avec l'essai Pour en finir avec la famille, Sophie Lewis nous entraîne dans l'histoire vivifiante de celles et ceux qui ont tenté de faire craquer un des carcans les plus tenaces de l'humanité.
– Radio thérapie : Les fêlures du frangin – Ryslane Hakym a onze piges quand son grand frère Ismaël est diagnostiqué schizophrène. Du fracas familial qui s'ensuit, de ses tourments à lui, de sa place à elle et de leurs souffrances à tous, la réalisatrice tire un très beau documentaire sonore, « Schizophonies ».
– Récit d'une vie trans : « Être un corps minoritaire, c'est prendre le risque d'en crever » – Dans Vous vouliez ma chaleur, vous aurez mon feu, Paulo Higgins nous immerge dans l'intimité du quotidien de Mario, un mec trans et « pédé » qui fait le point sur sa vie face aux violences des normes – du monde hétéro ou gay. Un récit de survie qui donne espoir en l'amour de soi et des autres autant qu'il révolte.
– L'Horoscope de ton année 2025 – Quelque prédications par le Docteur Xanax de la Muerte
– Une BD de David Snug – C'est le bordel, vous ne trouvez pas ? Heureusement, en février, le camarade David Snug sort un deuxième tome de son excellente BD « À bas l'humanité, à l'unanimité ». Des mesures seront prises et nous serons intransigeants. Cette année, c'est décidé, on rentre dans les rangs !
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Et aussi...
– L'édito – Cyclone d'indifférence
– Ça brûle ! – Sous le vent
– L'animal du mois – L'albatros anti-âgisme
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